Qui n’a pas rêvé de rencontrer un jour celui qui lui était destiné ? Espoir fou ou désir réaliste ? La psychanalyste Sophie Cadalen nous explique les dessous de cette attente de la « bonne personne ».

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Est-ce le bon ? Est-ce la bonne ? De nos jours, cette angoissante question taraude tous ceux qui se lancent dans une relation amoureuse (mais aussi parfois ceux qui sont déjà en couple !). Derrière cette quête de la « bonne personne » apparaît un mythe vieux comme le monde : celui de l’âme sœur, qui répondrait à toutes nos attentes. Si, pour certains chanceux, elle a pris forme concrète, d’autres consacrent leur vie à la chercher. Existe-t-elle vraiment ? Se pourrait-il qu’elle ne soit qu’une chimère, douce mais nuisible ? Dans son livre, « Tout pour plaire… et toujours célibataire. Rencontrer l’amour » (éd. Albin Michel), coécrit avec la journaliste Sophie Guillou, la psychanalyste Sophie Cadalen explore ce mythe fascinant et nous aide à mieux comprendre pourquoi tant d’entre nous multiplient les relations sans lendemain.

 – Le mythe de l’âme sœur est-il plus vivace aujourd’hui qu’autrefois ?
Sophie Cadalen. Notre époque, marquée par une très grande liberté de choix, amplifie le désir de trouver le conjoint « idéal ». Auparavant, le mariage était une institution qui ne convoquait pas les sentiments. Aujourd’hui, la possibilité de choisir à l’infini ravive l’obsession de la « bonne personne », comme en témoigne le succès des sites de rencontre, où l’on se livre à de vrais «castings » amoureux. Cette liberté constitue un progrès indéniable, mais cause aussi beaucoup d’angoisse. Certains sont entraînés dans une quête compulsive, où ils deviennent impossibles à satisfaire. En même temps, cette recherche du conjoint idéal a toujours existé. Dans « Le Banquet », Platon raconte un mythe ancien qu’on retrouve dans les littératures du monde entier : jadis, les humains, munis de quatre bras et de quatre jambes, jouissaient d’une force extraordinaire. Pour avoir défié les dieux, ils furent condamnés à être coupés en deux. Depuis, ces pauvres créatures tentent de retrouver leur unité perdue, de mettre la main sur cette pièce de puzzle unique qui aurait le pouvoir de les délivrer de l’insatisfaction chronique dont souffre leur âme…

– Comment expliquer cet état de manque ?
Sophie Cadalen. Nous sommes fondés sur le manque. C’est lui qui nous permet d’éprouver du désir. Désir sexuel, désir d’être vivant, de faire de nouvelles expériences. Le meilleur symbole en est l’appétit : il ne peut exister que s’il y a un vide en nous. Mais ce manque nous terrifie aussi. Nous sommes en permanence tiraillés entre l’instinct de conservation et l’instinct de vie, entre le désir de ne plus bouger et celui de nous jeter dans la mêlée. Le fantasme de l’âme sœur correspond à l’envie de trouver un partenaire qui nous remplirait une fois pour toutes, pour ne plus souffrir, ne plus être ballottés par les vagues du désir.