Se plaindre et se lamenter n’arrange pas les problèmes, ok. Et en rajouterait même, puisque les autres vous fuient… Essayons d’y renoncer, pour voir !
« Dans un élan d’enthousiasme irréfléchi, je propose à ma chef de tester ce défi : ne pas geindre, râler ou maugréer pendant une semaine. Ma naïveté suscite un rire général. Mes copines de bureau prévoient déjà des gages. Je ne suis pas crédible ? ça me stimule. J’en ai besoin : en réalité, je n’ai pas une chance de réussir à moins d’être reconfigurée dans un labo de neurosciences. Première étape : circonscrire la définition de la plainte. S’énerver, jurer, critiquer est-ce que c’est se plaindre ? A ma façon d’en faire usage, oui. Faire la gueule ? Evidemment. Mais en fait, personne ne paraît voir du même oeil les limites, les façons détournées, les signes avant coureurs de la jérémiade. L’un croira percevoir de l’insatisfaction dans une simple contradiction ; l’autre du découragement dans l’ombre d’un doute. Mieux vaut définir mon intérêt à ne pas me plaindre.
Avec un cahier des charges théoriquement simple (ne pas déverser mes insatisfactions sur les autres, ne plus tendre le fouet pour me faire battre, canaliser mon énergie dans des actions constructives), je me lance. Et bizarrement, c’est facile à mettre en acte ! Je ressens aussitôt le plaisir de contrôler ma loghorrée, de choisir ce que je vais livrer ou pas. Je me sens donc plus libre. Lorsqu’on me demande : « Tu vas bien ? », tout à mon rôle de composition (simple, calme, souriante), je réponds : « oui, et toi ? » (et non pas : « Tu plaisantes ? Quelle horreur ! ») Dès le réveil, j’accueille avec détachement les premières contraintes de la journée. Le rythme exigé par mon fiancé qui déteste arriver en retard ? j’accélère le mouvement pour ne pas le stresser. L’interdiction du gardien de nourrir les pigeons que j’adore ? Je la contourne discrètement. Le périph qui coince et ses chauffards hargneux ? je les visualise dans une grosse bulle qui ne me concerne et ne m’atteint pas… Qui l’eût cru ? A moi la très chic devise des Windsor « never explain, never complain » ! Je profite de cette nouvelle ambiance intérieure pendant 48 heures. Le troisième jour, je commence à ne plus pouvoir me supporter dans l’exercice de la satisfaction chronique.
Je comprends que le projet sera intenable s’il n’est que volontariste et utilitaire. D’ailleurs, il est clair que ceux qui ne se plaignent jamais ne sont pas pour autant des modèles de sérénité, de discrétion ou de savoir-vivre. N’est pas la Reine Victoria qui veut. Cacher ses symptômes sous une formule ne les empêche pas de « suinter » comme un secret de famille sous un non-dit. Voire d’exploser. Le sixième jour, je m’autorise un day-off. J’en profite avec une autre journaliste, Vanessa, qui pratique autant que moi l’autodérision calamiteuse. Le lendemain, je suis épuisée, malade, obligée de rester au lit durant 3 jours. Vanessa éclate de rire et pose son diagnostic : c’est le sevrage de plaintes ! Possible qu’elle ait en partie raison. Car fermer une vanne sans en ouvrir une autre (je n’ai pas encore trouvé laquelle), c’est comme une intox au gaz carbonique. Depuis, j’ai repris mon rythme « naturel » : alternance de lamentations et de joie de vivre. Mais sans culpabilité. A partir de là, j’ai senti que quelque chose avait cédé à mon insu. Prendre les autres à témoins, me complaire dans mes lamentations, il n’en est plus question. Et quand le besoin de jurer ou fulminer s’impose, je le laisse fuser comme un bouchon de champagne. Après tout, la vie, la promiscuité, les aléas contrariants et les horreurs du monde, bien malin (ou malade) celui qui les laissent courir sans s’émouvoir ! »
Sortir de la plainte en suivant le programme d’un coach ou d’un thérapeute ?
Coachs et thérapeutes proposent des méthodes pour sortir de la plainte. On peut suivre leurs programmeset s’atteler aux exercices afin d’ancrer de nouveaux réflexes. Un des plus fameux est celui de Christine Lewicki, elle même ancienne râleuse et auteur du best-seller « J’arrête de râler » (éditions Eyrolles). « Ce challenge m’a appris que pour râler moins, il fallait que je choisisse volontairement le bonheur, quelles que soient les circonstances extérieures », explique-t-elle. Autre gros carton (planétaire), le programme de Will Bowen (créateur du mouvement A Complaint Free World (traduit, comme son livre, « 21 jours sans se plaindre », aux Editions de l’homme), nous enseigne à mettre un frein à cette mauvaise habitude une fois pour toutes. Sa méthode pour y arriver ? Porter le bracelet A Complaint Free World et le changer de poignet chaque fois qu’une récrimination franchit vos lèvres. L’objectif est de ne pas déplacer son bracelet pendant 21 jours, période que les scientifiques estiment nécessaire pour qu’une habitude se développe. Étape par étape, l’auteur vous guide vers la réalisation de cet objectif. Des démarches à l’opposé de la psychanalyse qui amène à sortir de la plainte en explorant l’inconscient puisque c’est lui qui mène le jeu. Autrement dit, la volonté de changer de comportement n’agirait en aucun sur la structure défensive (la plainte récurrente étant une résistance) qui peut même se renforcer dans ce type d’exercices.