Les heures qui ont précédé son retour à la maison m’ont semblé une éternité. La discussion ne s’est pas bien passée. Selon lui, que pouvais-je donc bien faire sur Meetic, sinon chercher l’aventure ? Impossible d’avouer mon espionnage, je l’aurais perdu définitivement. J’ai tenté par tous les moyens de le calmer : “Je t’ai trompé, mais c’est oeil pour oeil”, “Puisque nous sommes devenus si proches sur Meetic, pourquoi ne pas nous offrir une deuxième chance ?”… J’ai essayé d’en rire, mais mon rire sonnait faux. J’étais une moins que rien, une rien du tout. Et je l’ai regardé, impuissante, faire ses valises.
D’abord, il y a eu plusieurs mois de silence. Je n’ai pas dit trois mots par jour pendant tout ce temps. J’avais repris le travail. Pour éviter les confrontations, je me suis mise à échanger par e-mail avec mes collaborateurs. Le soir, je continuais, fascinée, à assister au bal des prétendantes de mon mari. Officiellement séparé, Jean-Louis se racontait de plus en plus. “L’épouse dont il était séparé” était mentionnée. Sa solitude lui pesait. Les femmes qui lui parlaient étaient davantage dans l’empathie. J’ai fini par comprendre, à force de lire leurs messages, combien je n’étais pas différente d’elles. Nous sommes toutes pareilles, prêtes à partir au quart de tour au premier compliment joliment troussé ; rouées, séductrices, sans foi ni loi quand il s’agit de devenir “l’unique”. Et douées, quand il le faut, de compassion… Une Nolan lui a écrit un jour : “Si ta femme t’aime assez pour t’avoir suivi jusque sur Meetic, ne la perds pas.” Pendant toute cette période, je voyais un psy. C’est idiot, mais je me sentais trop mal pour parvenir à lui avouer l’ampleur de mes forfaits. Nolan ne me jugeait pas. C’est elle qui m’a donné la force d’en parler à mon thérapeute. Ce qui me sauvait, m’a-t-il dit, c’était de ne pas me sentir fière de ce que j’avais fait. Au bout de ce chemin, il y avait la réconciliation avec les femmes, notamment ma mère, avec qui j’ai pu renouer.
Jean-Louis ne saura jamais ce que j’ai enduré et jusqu’où je suis allée pour ne pas le perdre. Huit mois après, il m’a passé un coup de fil. Un déjeuner banal, un sourire échangé et ses valises étaient à nouveau dans l’entrée. Nous avons repris notre vie comme si de rien n’était. Mais, depuis cette histoire, nous nous sommes donné le mot pour ne plus nous faire souffrir. Nous prenons grand soin l’un de l’autre. Et j’ai jeté tous ses codes. »