Le premier soir, on a pris un verre, vu une pièce de théâtre, dîné, re-pris un verre, puis Alexandre m’a accompagnée jusqu’à un taxi. La soirée top cool. Et pour bien lui signifier que j’aimerais le revoir, je lui ai envoyé un texto de remerciement. Mais comme seule réponse j’ai reçu : « Tout le plaisir était pour moi. À vite. » Euh… « À vite », ça veut dire quoi « à vite » ? Ça veut rien dire « à vite ». À « très vite », à la rigueur, je pourrais comprendre. Mais « à vite », il me manque un bout là. « Oh tu sais c’est un mec. À la base, ça ne réfléchit pas comme nous. Limite il n’y a absolument aucun sens, et il a dit “à vite” comme il aurait pu dire “Quidditch” », conclut mollement Myriam à qui je téléphone pour tenter de comprendre. « Dans tous les cas, me rassure-t-elle, il a envie de te revoir. On ne dit pas « à vite » à quelqu’un avec qui on a passé une mauvaise soirée.

Donc pas d’inquiétude. » Je m’inquiète pas. Juste je ne sais pas trop quoi faire. Avec son « à vite ». Je sais pas si c’est moi qui le rappelle ou pas. « Tu sais ce que j’en pense. Perso, je ne rappelle jamais. Si le mec a envie de me revoir, il appelle. Sinon tant pis c’est que c’est pas le bon. » Dans ce cas, le garçon en face peut se dire exactement la même chose. Et tu peux passer à côté d’une belle histoire. « Non. S’il a envie de me revoir mais qu’il ne me rappelle pas, c’est que l’envie n’est pas la plus forte, donc retour à la conclusion de départ. » C’est raide quand même. « Oh tu sais, certaines filles choisissent les garçons en fonction de leurs voitures, alors pourquoi pas faire le tri comme ça. » C’est pas faux. Enfin ça ne me dit toujours pas si moi, je le rappelle ou pas…

Je l’appelle pas

Myriam n’a pas tort. S’il veut me voir vite, il n’a qu’à appeler. Moi j’ai décidé d’être la Belle au bois dormant. J’attends. C’est ce que j’explique à ma copine Mélanie quand elle me demande si j’ai des nouvelles de lui. Mais ma réponse semble l’énerver : « Pitié Sasha ! Comment c’est possible qu’en 2012 une fille soit fière de jouer les Belles au bois dormant ? Tu es grande, indépendante, prends-toi en main bon sang. » C’est pas une question de se prendre en main, c’est une question de se sentir courtisée, désirée. Oui c’est ça, se faire désirer. « Désirer ? Parce que rester comme une idiote à côté de ton téléphone à attendre qu’il sonne, tu trouves ça valorisant toi ? Moi je trouve ça pathétique. On fait croire aux filles que d’attendre bêtement que l’homme fasse tout, ça leur donne de la valeur. Mais tu as de la valeur à la base. Tu n’as pas besoin que le mec vienne te chercher pour en avoir. » Très honnêtement, je n’ai pas poussé la réflexion jusque-là. « Eh bien tu devrais. D’ailleurs toutes les filles devraient arrêter de se prendre la tête avec ça. Un type te plaît ? Tu as envie de le revoir ? Tu l’appelles. C’est tout. Au mieux il est dans les mêmes dispositions d’esprit que toi et c’est cool. Au pire il ne veut pas te voir ou il n’a pas le courage de répondre, et voilà, tu es fixée. Tu imagines le temps, les questions et l’attente que tu t’épargnes ? » Mouais. Je sais pas trop. Rationaliser le badinage amoureux comme ça, ce n’est pas trop mon truc. Et puis attendre, ça a du bon aussi. C’est un peu comme à Noël avec les cadeaux. « Exactement. D’ailleurs comme à Noël quand tu ouvres les cadeaux, la déception peut être à la hauteur des espérances. » Ah. Vu comme ça.

«  J’aime jouer les Belles au bois dormant, ne serait-ce que pour la robe. Mais ça fait deux jours que j’attends… ».

Je l’appelle

Je suis pas hyper d’accord avec Mélanie. Moi j’aime bien jouer les Belles au bois dormant, ne serait-ce que pour la robe. Mais d’un autre côté, ça fait deux jours que j’attends qu’Alexandre me rappelle, que ça me gratte un peu le cœur, et que j’ai pas envie que ça dure. Allez je l’appelle.
Mais entre prendre la décision de le faire, et le faire, il y a un monde. Voilà pourquoi une heure plus tard, je ne l’ai toujours pas appelé. Je reste là, assise dans mon canapé, à regarder mon téléphone, qui ne sonne pas, qui me nargue sur la table basse.

Bon. Quitte à téléphoner, je vais appeler Caroline. Elle est toujours de bon conseil. « Appeler Alexandre, ouh là ! Tu es sûre ? » Non mais juste, je ne rentre plus dans ce débat. J’ai envie de l’appeler, donc je vais le faire, ça sera plus simple. « Ça je suis d’accord avec toi. Dans ce genre de situation, il ne faut pas se mettre la rate au court-bouillon, il faut le faire comme on le sent. Appelle-le alors. Fais juste attention. » Attention à quoi ? « Moi dans ces cas-là, je respecte tout un ensemble de petites règles. » Genre ? « Par exemple, j’appelle le soir, pas trop tard, vers 20?heures. Comme ça je ne le dérange pas dans son boulot, il est plus réceptif. Je respire bien profondément une dizaine de fois avant d’appeler, histoire que ma voix ne soit pas trop stressée quand il va répondre. Mais s’il ne répond pas, je laisse un message. Toujours. » Ah ça c’est un autre problème. Je lui dis quoi si je laisse un message. « Pareil que ce que tu lui aurais dit s’il avait répondu. C’est pour ça que c’est super important de savoir pourquoi tu l’appelles. » Facile ! Je l’appelle pour le revoir. « Oui mais, prévois un truc à lui proposer.

Un concert, une expo, un verre dans un endroit que tu aimes bien. Bref appelle-le pour quelque chose de concret. Et ne reste pas trois heures en ligne. Il faut que ça soit court. C’est aussi important de savoir raccrocher que de savoir appeler. » Pas bête. « Dernières règles : n’appeler que si tu es seule, pas en soirée même si tu te mets dans un coin au calme. Ne pas appeler non plus si tu es trop stressée, calme-toi avant. Ne pas appeler si tu n’as pas le temps, si tu es dans les transports, etc. Et si tu as peur de ne pas y arriver, textote-lui ou envoie-lui un mail. » C’est super malin ses trucs dis donc. Mais où va-t-elle chercher tout ça ?

Je fais n’importe quoi

Le soir arrive, et je n’ai toujours pas appelé Alexandre. Mon problème c’est que j’hésite entre le « allez j’y vais, ça sera fait, je serai fixée » et le « oh et puis non, je suis une princesse, c’est à lui de le faire ». De toute façon, je vais faire un break mental, puisque ce soir c’est grosse fête chez mon ami Édouard.
Quelques heures plus tard, une conclusion s’impose à moi : je suis une grande naïve. Comment j’ai pu croire que je n’y penserais pas pendant la soirée. Au début ça va. Mais ensuite, deux verres de vin blanc + mes copines et leurs « alors ? Alexandre » + mes copains et leurs « mais tu t’en fous tu l’appelles » = Sasha qui fait tout ce qu’il ne faut pas faire. Me voilà maintenant enfermée seule dans la salle de bains d’Édouard, mes copines qui gloussent derrière la porte, le téléphone collé à l’oreille droite, me bouchant l’oreille gauche pour entendre mieux pendant que j’appelle Alexandre. Qui ne répond pas. Rha j’en étais sûre ! Je suis tellement vexée que je ne lui laisse pas de message. En sortant, Jane, Camille et Aurélie me sautent dessus : « Il a dit quoi ? Il a dit quoi ? » Rien. Il n’a pas décroché. « En même temps, il est 2 h 16 du matin, il dort peut-être », répond Jane toujours très pragmatique.
2 h 16. Je n’avais pas vu. Je m’autoconsterne.

Je me détends

Le lendemain, je digère tout ça en buvant des litres de thé confortablement installée dans mon canapé. Régulièrement je reçois des textos de mes copines qui se demandent si j’ai des nouvelles du bel Alexandre. Mais non je n’en ai pas. Et puis je n’en veux pas d’ailleurs. Il n’a ni répondu ni rappelé, je crois que c’est clair. Je checke quand même mes mails histoire de voir si c’est vraiment clair. Et puis mon Facebook aussi, on ne sait jamais. Mais non. C’est VRAIMENT clair, on dirait.
À force de cogiter, je repense à une chanson de Bénabar, « Vade retro téléphone ». Je fouille dans mes CD, la trouve et la mets. Et là, force est de constater qu’on se pose tellement tous les mêmes questions qu’on en fait des chansons. En l’écoutant, tout s’éclaire : « Le combiné dans les mains j’hésite et je raccroche, pas pressé de passer pour celui qui s’accroche. Fébrile et collant ça donne pas vraiment envie, lointain et distant, je sais pas pourquoi mais c’est sexy. » Ça me rappelle moi ça tiens. « Même si je ne pense qu’à elle, si je rêve de la revoir. Vade retro téléphone, elle ne doit pas le savoir. Nos meilleurs techniciens se sont penchés sur la formule, c’est trois jours au moins le résultat de leurs calculs. » Ça fait trois jours aujourd’hui. Peut-être que je vais lui laisser jusqu’à minuit ce soir pour voir s’il va appeler. « C’est bon c’est décidé, je t’appelle demain pour t’inviter à une expo genre art contemporain. N’importe quoi j’m’en fous, mais un truc qui fait bien, et que je fais jamais mais ça t’en sais rien. » Eh ben voilà où Caroline pioche ses idées !

La chanson terminée, c’est idiot, mais je me sens mieux. Je me trouve même un peu bête de ne penser qu’à ça depuis trois jours. Qu’il appelle ou pas, je m’en fiche. Il y en a plein d’autres sur terre des Alexandres. Sur ces bonnes paroles, je vais prendre mon bain. En sortant de la salle de bains deux heures plus tard, surprise: deux appels en absence et un texto… d’Alexandre. Tiens tiens.

Au final

Je l’ai rappelé. On s’est revus. Et ça fait maintenant six mois qu’Alexandre et moi nous sommes ensemble. Un jour, il m’a avoué que d’habitude il ne rappelait pas. Mais que cette fois, ça l’avait vraiment démangé, et qu’il était tout penaud ne sachant pas trop comment faire. « D’ailleurs, c’est ton appel en absence la veille qui m’a donné le courage. Je me suis dit que j’étais un idiot et que visiblement toi aussi tu avais envie de me revoir. Alors je me suis lancé. »
Comme quoi, à savoir si j’appelle ou pas, la seule règle c’est de faire comme on le sent.

Elles ont appelé ou pas ?

ATTENDRE L’APPEL OU LE DONNER, CHACUNE A SA TACTIQUE.

  • MARINA, 31 ANS, N’A PAS APPELE

J’ai rencontré Laurent à une soirée chez une amie. On a parlé pendant des heures, mais quand je lui ai proposé de lui donner mon numéro, il m’a avoué qu’il était fiancé. Je suis partie. J’ai pensé à lui pendant des jours. Jusqu’à ce qu’il m’appelle en me disant : « Je n’arrête pas de penser à toi, il fallait que je t’appelle. » C’était LE coup de fil de ma vie. Aujourd’hui, on est mariés depuis trois ans.

  • MATHILDE, 26 ANS, A LAISSE UN MESSAGE

Je n’ai pas vraiment de problème pour rappeler un garçon. D’habitude je suis même plutôt à l’aise. Mais Romain, lui, me plaisait tellement que quand j’ai voulu l’appeler pour lui proposer de se voir, j’étais hyper-stressée, alors je lui ai laissé le message le plus maladroit et pathétique de toute l’histoire des messages. Il m’a rappelée le soir même. Puis le lendemain et le ­surlendemain. Gênée, je n’ai jamais répondu. Je n’ai plus eu de nouvelles, et je l’ai toujours un peu regretté. Aujourd’hui avec les garçons, quoi qu’il arrive, j’assume.

  • ÉMILIE, 23 ANS, A EU SA REPONSE EN APPELANT

Mathieu et moi, on s’est rencontrés en boîte et on a passé la nuit ensemble. Le lendemain on s’est échangé nos numéros. J’ai attendu plusieurs jours, je n’ai pas eu de nouvelles, alors je me suis décidée à l’appeler pour lui proposer de le revoir. Il était gêné. Je lui ai dit calmement : « On a juste couché ensemble, si tu ne veux pas me revoir, pas de souci, je m’en remettrai. » Il a balbutié un « non je préfère pas », je lui ai dit au revoir et j’ai raccroché. Au moins c’était clair et je me sentais mieux.

  • MARIA, 25 ANS, A ATTENDU AVANT D’APPELER

Pierre et moi on venait de passer notre première nuit ensemble. Le lendemain matin, au bureau, je me sentais un peu fiévreuse et j’avais mal à la gorge. J’ai couru chez le médecin à la pause déjeuner. Verdict : angine, deux jours d’arrêt. Je suis rentrée chez moi. Pendant deux jours j’ai attendu un appel de Pierre. Rien. Ça me rendait triste mais je tenais bon, je refusais de l’appeler. En arrivant au bureau à la fin de mon arrêt j’ai trouvé un énorme bouquet de roses. Et sur la carte : « Tu me manques déjà, j’attends ton appel. Pierre. » Je me suis sentie à la fois très bête et très fière et je l’ai rappelé tout de suite.

  • CHLOE, 29 ANS, N’A PAS EU LE TEMPS D’APPELER

Quand j’ai quitté le bar où j’ai rencontré Raphaël, je me suis dit que je l’appellerais dès le lendemain pour lui proposer de le revoir. Mais à peine j’étais rentrée à la maison que je recevais un appel de lui : « Pardon de t’appeler si vite et si tard, mais je voulais être sûr que demain tu passais la soirée avec moi. »