La pandémie du COVID-19 nous place dans l’extraordinaire. Elle nous rappelle avec force ce que nous, les habitants des « pays développés », avions tendance à oublier :
- Non, nous ne pouvons pas tout prévoir
- Oui, nous continuons à être mortels.
Avec son corolaire d’angoisses archaïques, de réactions primaires de repli sur soi et de panique, cette épidémie nous fait peur et modifie en profondeur notre quotidien. Voilà pour le côté obscur de la force.
Mais côté lumière s’offre à nous une occasion unique d’inventer de nouvelles solidarités. Et c’est là que nos enfants et nos ados entrent en jeu. Parce que, dans l’immense majorité des cas, ils ont moins peur que nous. Leur confiance dans l’avenir les amène à nous recentrer sur l’essentiel.
Leurs écoles sont fermées alors mettons nous à leurs écoles !
Ecoutons leurs questions, donnons leurs la parole. Et bien sûr que l’adulte à son rôle à jouer. Car si le pays imaginaire est interdit aux grandes personnes, il faudra toujours un adulte pour raconter Peter Pan…
Du tout-petit à l’ado qui passe le bac, comment expliquer cette crise du Coronavirus en fonction des âges ? De quoi les enfants ont-ils peur ? A quoi être attentif et surtout comment les aider aux mieux ?
La situation est grave et on fait de son mieux
Garder les enfants confinés à la maison, télé-travailler, supporter son conjoint… les Jeux olympiques sont en avance cette année ! Cette nouvelle épreuve baptisée « confinement en équipe », véritable « concours complet », nous invite à la patience… et à la créativité. Si les jeunes enfants n’ont pas trop peur ou ne posent pas trop de questions, le défi pour les parents est surtout de les occuper… Et comme le rappelle Rémy Perla : « il est interdit de culpabiliser : nous sommes des parents appliqués qui voulons tous le meilleur pour nos enfants et pour notre société ».
Adapter son langage : partir des questions des enfants et ne pas les noyer sous les informations.
La règle d’or : On adapte sa façon de parler du coronavirus en fonction de l’âge de l’enfant. Adultes et enfants ne parlent pas la même langue. Nous partageons les mots mais pas leurs sens. Quand un adulte dit : « coronavirus, confinement, contamination » qu’est-ce qu’en comprend un enfant ? La meilleure des solutions est d’adapter son langage en partant de ce que l’enfant connaît déjà (les enfants ont tous déjà eu de la fièvre et des quintes de toux). Puis on donne la parole à l’enfant et on l’accompagne pas à pas dans son cheminement.
Exemple concret : j’ai reçu hier en téléconsultation des parents paniqués pour leur enfant de 5 ans : « il n’arrête pas de parler de guerre car il a entendu Macron dire que la France est en guerre. Il fait des cauchemars de soldats qui tuent tout le monde et qui entrent dans les maisons ». Je reçois l’enfant et là je comprends qu’il a entendu le terme de « guerre sanitaire ». Le problème est qu’il ne connaît pas le mot « sanitaire ». Donc ce mot l’impressionne, surtout dans la bouche du président. De là cet enfant à construit toute une fantasmatique autour de ce mot. Il me dit que « sanitaire » est le nom d’une armée hyperpuissante qui a « même réussit à fermer son école et sortir papa de son travail ». Une fois ce mot dégonflé, l’enfant a été rassuré.
J’ai évidemment conseillé aux parents de bien veiller à ce que les enfants ne soient pas dans le salon lors du journal télévisé. En effet, filtrer les informations est essentiel.
Le COVID-19 au pays des petits (de 0 à 7 ans).
Si les enfants sont curieux, ils n’ont pas à tout savoir. Ce que j’observe c’est que les jeunes enfants ne sont pas traumatisés par la situation actuelle. Et puis avoir papa ou maman plus souvent à la maison c’est super ! La peur du confinement est, dans les grandes largeurs, une angoisse d’adulte. Et comme les enfants sont des éponges à émotions, la meilleure aide à leur apporter est que les adultes arrivent à maîtriser leurs angoisses.
Car avant l’âge de raison, les enfants sont autocentrés. Ils vivent dans l’instant présent et le temps qui passe se découpe en « dodo ». En dehors de leur monde quotidien (famille, école, jouets) peu de chose comptent. A 3 ans, si l’on explique pendant 10 minutes la situation de crise internationale, l’enfant aura surtout envie de savoir où est son doudou et s’il peut avoir un bonbon avant de dormir…
Laissons donc les jeunes enfants….simplement être des enfants…
Parents rassurez-vous. Le coronavirus ne traumatisera pas votre enfant en créant chez lui des peurs associées.
Ne culpabilisez pas trop, faites de votre mieux. Posez sur la situation des mots simples et adaptés à l’âge de votre enfant. Partez de ses préoccupations à lui et créez une routine pour que l’enfant puisse trouver un rythme cadrant. Autant que faire se peut, ne laissez pas trop vos enfants devant les écrans mais organisez vous pour qu’il y ait toujours un adulte référent avec l’enfant (évitez autant que faire ce peu de mettre un dessin animé pour vous « acheter du temps » et répondre à vos emails de boulot).
Les plus grands enfants se rendent bien compte que quelque chose a changé. « Pourquoi l’école a fermé ? Pourquoi les gens portent-ils des masques dans la rue ? Pourquoi j’ai pas le droit de voir papi et mamie ? »
Encore une fois, on part de leurs questions et surtout on dit la vérité. On décrit les symptômes de la maladie. C’est important car votre enfant doit être capable de vous alertez si jamais ils ressent les symptômes du coronavirus.
On a aussi le droit de dire que l’on ne sait pas et même d’ajouter que toute cette situation « elle fait un peu peur quand même ». L’objectif est double :
- réussir à garder un juste équilibre entre la gravité de la situation et un discours alarmiste qui, lui, pourrait ancrer des angoisses. Je conseille dès lors d’insister sur les ressources afin de créer chez l’enfant un sentiment de sécurité : « tu sais si tu ne vas plus à l’école c’est parce que le virus il est très contagieux. Et on ne veut pas rendre malade les copains. Et puis tu sais en France on a des très bons docteurs etc.… »
- susciter l’adhésion des enfants aux gestes barrières. Pour cela il existe une palette infinie de jeux créatifs (jouer avec les lego en enfermant un personnage dans une maison et mimer les émotions, faire dessiner le méchant virus, proposer une activité manuelle avec des paillettes afin d’expliquer visuellement comment le virus se transmet)
Le COVID-19 au pays des enfants de 7 ans à la fin du collège.
A cet âge les choses changent. Il s’agira d’aider les enfants à mettre du sens sur la situation.
La semaine avant le confinement, certains gestes graves ont été posé dans les écoles (harcèlement d’élèves d’origine asiatique, comportements où les collégiens se toussaient à la figure en disant « ça y est tu as le coronavirus…», brulures graves provoquées par l’inflammation des gels hydroalcooliques).
Beaucoup de fausses rumeurs ont circulées sur les réseaux sociaux et c’est la responsabilité de l’adulte que de démêler avec eux le vrai du faux.
D’un point de vue psychologique, ce que j’ai pu constater lors de mes consultations c’est le vécu ambivalent des collégiens. D’un côté le Covid-19 les placent dans une position de toute-puissance : « nous on va pas mourir, on est plus fort que les adultes. Donc on peut continuer à jouer au foot et aller au skatepark entres potes ». Un collégien me confiait la semaine dernière : « nous les ados on est immortel, on est comme des bombes atomiques invisibles (…) Si les policiers nous attrapent on les menace en leur toussant dessus ». De l’autre côté, il s’agit de bien saisir que cette toute-puissance n’a d’égale que l’impuissance fondamentale issue de la toute petite enfance. Passé la provocation, ce collégien me confia sa culpabilité très forte d’avoir peut-être « tué » son grand-père adoré : « il était seul, il n’avait plus rien dans le frigo. Donc je suis allé le voir pour lui ramener des courses (…) je l’ai surement contaminé ».
Je me suis dès lors employé à rassurer cet adolescent en soulignant le fait que c’est parce qu’il aime son grand-père qu’il est allé le voir. Puis il a été important d’ouvrir ce collégien vers le registre symbolique : la France, le président de la république, la responsabilité collective.
Le COVID-19 au pays des lycéens
A cet âge où il est demandé de faire des choix importants, cet épisode pandémique peut être très anxiogène : être enfermé avec les parents que l’on fuit d’habitude, ne pas pouvoir voir son petit ami ou sa petite amie, ne pas savoir comment le bac va se dérouler etc.… Les capacités d’adaptation sont ici fortement sollicitées : aucun prof n’a la même façon de travailler, serveurs de l’ENT qui plantent, parents un petit peu dépassés qui essayent de remplacer les professeurs tout en télé-travaillant…
Sur ce dernier point il s’agit d’être clair. Les lycéens ne sont pas en vacances et le rôle des parents n’est pas d’apprendre un nouveau métier mais de créer à la maison les conditions nécessaires à ce qu’une continuité scolaire puisse se faire.
Alors, on ne se met pas trop la pression et on essaye d’être ludique. Les règles de la vie de famille ne peuvent pas être tout à fait les mêmes alors on lâche du leste sur le temps de jeux vidéos ou de téléphone portable. D’ailleurs c’est avec amusement que j’ai constaté la scène suivante : en guidance parentale, un parent n’avait de cesse de se plaindre du temps que son ado passait sur son portable. Son entreprise lui impose le télétravail et là cette maman est perdue. C’est ce même ado qui a aidé sa mère à régler son ordinateur et lui a montré que c’était possible d’être en lien à l’autre via un écran. L’ado s’est sentie enfin valorisé et cette mère a pu saisir que le monde adolescent des réseaux sociaux n’était pas que « tromperie virtuelle ».
Confiner mais pas inactif : une occasion pour s’engager et rendre possible un lien familial renouvelé.
Que cette « guerre sanitaire » rende possible « la paix des familles » ! Nombreux sont les parents qui s’assignent cet objectif. Oui nous vivons un moment historique et, à bien des égards, cette traversée étonnante n’a pas finie de nous surprendre. Mais, je le répète, pas de pression. Faisons comme nous pouvons ! Gérons nos angoisses et s’il reste de la place alors bien sûr, tentons de faire fleurir de nouvelles solidarités.
Je conclus avec une parole d’ado entendue ce matin : « dans le bus plus personne ne se regarde, ne se parle. Et pourtant le coronavirus nous rappelle que nous sommes tous en lien car on peut se faire contaminer. Ça serait bien quand même que l’on développe un lien direct à l’autre qui ne soit pas dangereux. Un sourire par exemple, c’est contagieux ! ».