Souvent, nos émotions nous envahissent et leur emprise nous terrifie. Un stage de développement personnel nous apprend à ne plus les craindre et à les utiliser comme des outils de mieux-être.

Nos émotions

Dans le langage courant, nous nous disons facilement « victimes » de nos émotions. Nous avons peur qu’elles débordent, nous engloutissent. Nous craignons qu’elles nous freinent ou nous fassent perdre le sens commun. Pire, nous les jugeons sévèrement : « Je suis stupide d’éprouver du chagrin pour un truc comme ça »; « Je m’en veux d’avoir peur pour un rien »; « C’est nul de se mettre en colère pour si peu »…

« L’émotion est vécue comme quelque chose qui fait irruption, que nous ne maîtrisons pas et qui nuit à notre désir d’être serein et aimant », analyse la thérapeute psychocorporelle Sylvie Alexandre, qui organise, avec la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol, des stages de développement personnel centrés sur cette problématique (www.logique-emotionnelle.com). Pourtant, nos émotions ne sont pas mauvaises. Ni bonnes, d’ailleurs. Elles sont juste utiles. Elles représentent une information, qui nous est délivrée par notre cerveau reptilien. Cette partie, la plus ancienne de notre cerveau, n’a qu’une fonction, élémentaire : nous prévenir d’un danger.

Un « crocodile » qui nous veut du bien

Ce cerveau reptilien, le « crocodile », comme l’appelle Catherine Aimelet-Périssol, est binaire. Pour lui, il n’existe que deux possibilités : la sécurité ou le danger. Qu’un danger, même infime, se manifeste, et il bascule en mode « émotion ». Quels sont les dangers qui nous menacent réellement ? Ceux qui touchent à nos trois besoins existentiels : sécurité, identité et quête de sens. Parce que nous sommes mortels, nous avons besoin d’être en confiance; parce que nous vivons en groupe, nous avons besoin de savoir qui nous sommes face aux autres; et parce que nous sommes des êtres pensants, nous avons besoin de donner du sens à notre passage sur terre. Que l’un de ces trois fondamentaux soit touché, et notre « crocodile » nous envoie immédiatement une émotion censée nous alerter et nous faire réagir.

Dans un premier temps, la peur nous oblige à nous mettre en sécurité. Si elle n’est pas entendue, la colère intervient pour nous pousser à réaffirmer notre identité face à l’autre. Si elle ne suffit pas, la tristesse prend le relais pour nous conduire à l’isolement, afin de mieux nous interroger sur le sens de notre vie. Sur la base de ces trois émotions « primaires », nous développons toute une gamme d’expressions : pour la peur, du nœud à l’estomac à l’attaque de panique; pour la colère, de l’agacement à la crise de violence; pour la tristesse, du petit coup de blues à la dépression.

Une fois encore, les mots « peur », « colère » ou « tristesse » ne doivent pas être pris dans un sens négatif. Notre « crocodile » n’a qu’une vocation : assurer notre survie, et ces émotions sont avant tout salvatrices. Elles sont des signaux d’alarme qui nous permettent de réagir à une situation de crise de deux façons : statique ou dynamique. Soit elles nous pétrifient, soit elles nous jettent dans l’action. Soit elles nous font tourner à vide (je me recroqueville sur moi-même), soit elles nous poussent à agir de façon anarchique (je fais de la suractivité).

Dans tous les cas, elles ne nous font progresser ni dans la compréhension, ni dans l’expression de notre ressenti. Des réactions surgies de l’enfance.
Tout ce circuit émotionnel, découvert par le neuroscientifique Henri Laborit au cours de ses travaux sur le stress (in La Nouvelle Grille d’Henri Laborit (Gallimard, “Folio essais”, 1985), a été approfondi par Catherine Aimelet-Périssol et Sylvie Alexandre. Que disent-elles ? Que la façon dont, enfant, en situation de danger, nous avons réagi aux injonctions de notre « crocodile » s’est imprimée au plus profond de nous-même. Et depuis elle se réactive instantanément dès qu’un danger du même ordre se manifeste aujourd’hui. Un ton de voix, un geste, une parole suffisent à titiller cette part de nous et à réveiller la sensation émotionnelle qui y est associée. Si, à l’école, vous avez été humilié par une institutrice et que vous vous en êtes émotionnellement sorti en donnant un coup de pied dans la porte de la classe, ne vous étonnez pas de vos accès de violence contre la machine à café quand votre patron vous fait une remarque. Il existe sans doute des façons de réagir moins primaires, de délaisser la voie tracée dans le passé pour en inventer une, moins rude ou plus appropriée, en tout cas plus libre.

Quatre jours pour s’exprimer autrement

C’est à la recherche de ces voies de traverse que nous emmènent Catherine Aimelet-Périssol et Sylvie Alexandre. Les quatre journées du stage qu’elles proposent sont entièrement consacrées à des exercices, y compris physiques : « C’est un processus d’entraînement pour apprendre à lâcher prise, à entendre ses intuitions, à s’ouvrir, expliquent-elles. Notre système nerveux adore les habitudes parce que c’est dangereux d’affronter l’inconnu. Pour révéler nos blocages, il faut prendre le cerveau par surprise. C’est à cela que servent les exercices. »

L’important n’est donc pas dans le récit de ces exercices, mais dans la leçon qui, lentement, s’en dégage : oui, nous pouvons sortir de nos réflexes émotionnels, issus de notre passé et si pesants sur notre présent. Il suffit juste de se poser la bonne question puisque, selon la jolie formule du rabbin philosophe Marc-Alain Ouaknin, « une émotion est une réponse orpheline de sa question (In Bibliothérapie de Marc-Alain Ouaknin ) ». « Comme dans une enquête, il faut chercher, s’interroger sur la question qui nous pousse à adopter une réponse comportementale, dictée par l’habitude », proposent Catherine Aimelet-Périssol et Sylvie Alexandre. Pourquoi est-ce que je réagis ainsi ? Comment puis-je réagir au­trement ? En comprenant que mon patron n’est pas mon institutrice d’hier, en me répétant que je n’ai plus 8 ans et que j’ai désormais à mon service de nombreux moyens de réagir sans doute plus efficaces que de fracasser la machine à café, peut-être arriverai-je à m’exprimer autrement que par la colère et la violence. Un bon début, non ?

Un exercice de lâcher-prise

Au cours de son stage pour apprendre à gérer ses émotions, notre journaliste a dû réaliser un certain nombre d’exercices. En voici un, que vous pouvez réaliser chez vous.

Les animatrices déposent devant nous ce dessin. Puis elles lisent la consigne de l’exercice : « Vous devez reproduire le modèle quatre fois, en lui faisant faire à chaque fois un quart de tour. Pour cela, vous décalerez le dessin de quatre-vingt-dix degrés sans faire tourner ni le papier, ni le modèle. » Glurps ! Dans un premier temps, je suis gagnée par la panique : de la géométrie dans l’espace, mon cauchemar absolu depuis l’école. Dans un deuxième temps, j’envisage sérieusement de poser mon crayon et de faire la mauvaise tête : je n’ai rien à prouver à personne. Puis je me laisse gagner par l’inquiétude : si tout le monde le fait et pas moi, qu’est-ce que l’on va dire ? Est-ce que je vais me faire mettre au ban du groupe ? Enfin, devant l’application de mes costagiaires, je doute : suis-je vraiment stupide ? En déroulant le fil de ces émotions qui m’ont agitée, je comprends qu’elles sont toutes implicitement dictées par une peur ancienne, sans doute celle de la petite fille à qui l’on a répété : « C’est dommage, mais que veux-tu ? Tu n’es pas douée, c’est comme ça… » Je comprends aussi que mes réactions de fuite, de colère et de peur du rejet découlent de celles qu’a trouvées cette enfant de 10 ans pour se défendre. Peut-être que la femme de 40 ans peut s’en sortir différemment ? Par exemple, en essayant de faire ce fichu exercice, sans y mettre d’enjeu démesuré. Bien sûr, je n’y suis pas arrivée parfaitement. Mais, corrigé en main, je me sens fière d’avoir « un peu » réussi l’exercice, et beaucoup compris…