Témoignage : « Je me suis découverte d’assez bonne compagnie »
Eva, 36 ans, s’est mariée à 28 ans. Il y a trois ans, elle se sépare du père de ses enfants. Ils ont divorcé depuis un an.
« Au début, j’étais complètement perdue. Je n’avais jamais vécu seule. L’idée d’aller me coucher et de vieillir sans personne à mes côtés m’angoissait. Les premiers à avoir fait pression sur moi, ce sont mes enfants, mon fils de cinq ans en particulier. Le fait que je sois seule le tracassait. Il voulait absolument que j’aie un amoureux, quelqu’un qui m’aime. Cela m’a beaucoup touchée et, bizarrement aussi, beaucoup déculpabilisée. Je m’inquiétais pour eux, ils s’inquiétaient pour moi. Nous en avons beaucoup discuté ensemble. Aujourd’hui, ils n’y trouvent pas la même urgence. Je suis très bien toute seule et ils l’ont compris.
Maintenant, c’est mon entourage qui s’alarme. C’est vrai que les premiers mois, la première année, on pouvait bien me l’accorder, mais trois ans, cela commence à faire long. Régulièrement, on me demande si j’ai rencontré quelqu’un, on cherche à me présenter un homme. Je dis « non merci », je ris, je dis que je n’ai pas le temps.
Avant, j’avais « le fantasme de la famille Ricorée ». C’est terminé. Il me faut trouver un nouveau modèle. Mais je ne suis pas tentée par celui de la famille recomposée. Je me suis habituée à la garde alternée : une semaine avec les enfants, tous les trois ; puis une semaine toute seule, en célibataire. Parfois, je sors, parfois, je goûte simplement ce plaisir inédit du silence, de la solitude. L’idée de partager mon lit ne m’inquiète pas. Celle de laisser quelqu’un entrer dans mon quotidien ne me plaît guère, je dois le reconnaître. C’est ce qui choque les gens, je pense. Ils ne me croient pas.
Pour moi, ce célibat n’est évidemment pas un projet de vie. Mais c’est un fait auquel je me suis habituée, auquel j’ai pris goût. Je ne voudrais pas que l’on envahisse cet espace de pure liberté. Parfois, je suis un peu troublée de constater à quel point je vis bien cette solitude. Je me demande même si je n’ai pas perdu la capacité d’aimer. Mais je ne crois pas. Je ne me suis pas renfermée. J’ai une vie bien remplie, dans laquelle je me réserve aussi des temps d’inactivité. Au fond, il est là le grand gain. C’est à cela que je ne suis pas prête à renoncer. Vivre avec quelqu’un – en tout cas pour quelqu’un comme moi -, c’est vivre sans cesse avec l’idée de l’autre, de ses envies… Je me demandais toujours ce qui allait lui plaire. Aujourd’hui, j’ai découvert mes propres goûts, mes limites. Je me sens très libre, très forte. Finalement, je me suis découverte d’assez bonne compagnie. »