« IL NE PEUT PAS Y AVOIR DE JOIE PROFONDE DANS L’AGITATION » (FRÉDÉRIC LENOIR)
Frédéric Lenoir, le spécialiste des religions, auteur de « La Puissance de la joie » (éd. Fayard), parle de ce besoin de ralentir.
Que pensez-vous du désir de ralentir, que l’on constate aujourd’hui ?
Frédéric Lenoir. Je l’ai vécu très concrètement. Il y a quelques années, je multipliais à un tel point les activités que j’étais dispersé, n’ayant plus le temps de vivre. J’ai fini par démissionner de mon poste de directeur du « Monde des religions » et d’autres fonctions. Je m’étais aperçu d’une chose simple : nos outils de communication, qui sont censés nous faire gagner du temps, nous en font perdre énormément.
Vous prônez un retour au zen et, en même temps, vous publiez des ouvrages à un rythme intense, vous enchaînez les conférences… N’est-ce pas un peu contradictoire ?
Frédéric Lenoir. J’aime alterner les phases de pression et de contemplation. Pendant dix jours, je vais vivre selon un rythme parisien, où j’accepte la vitesse sociale, les sollicitations, la frénésie de la communication. Je dois avouer que cela m’amuse. Et, pendant deux semaines, je pars m’isoler à la campagne pour écrire, en coupant tout rapport avec l’extérieur. Le problème est de trouver le point d’équilibre entre vitesse et lenteur.
En quoi le ralentissement peut-il contribuer à la joie intérieure ?
Frédéric Lenoir. La joie ne peut exister que s’il y a une présence au monde, une attention aux êtres et aux choses. Il ne peut pas y avoir de joie profonde dans l’agitation. De l’excitation, oui. De la joie, non. Les sociétés anciennes n’étaient pas confrontées au problème de la vitesse du mode de vie. Pourtant, on trouve, dans toutes les religions, un temps consacré à l’inactivité. C’est le shabbat juif, le repos dominical, les moments de prière… Ces rites rappellent à l’homme qu’il n’existe pas que dans le faire, dans l’agir, mais aussi dans l’être, dans le fait de goûter la présence au monde.
« IL FAUT LUTTER CONTRE LA DICTATURE DE LA VITESSE » (OXMO PUCCINO)
Avec sa chanson « Slow Life » dans son nouvel album « La voix lactée » (cinq 7) et un clip jouissif où tout le monde danse au ralenti, le rappeur oxmo Puccino, 41 ans, tape dans le mille. Il raconte.
« L’idée de cette chanson m’est venue d’une anecdote personnelle. Quand je ne suis pas en tournée ou dans un studio d’enregistrement, j’ai pris l’habitude de bloquer mon lundi avec un ami et de ne rien faire. Rien du tout ! Par exemple, la dernière fois, on a coupé nos portables, on a acheté des pâtisseries et on est allés les déguster sur les bords de la Seine en discutant de tout et de rien.
Un jour, quelqu’un m’a demandé ce qu’on faisait le lundi, j’ai répondu : “On est dans la slow life.“ Voilà comment les paroles me sont venues. Pour moi, c’est une question d’équilibre personnel. Il faut lutter contre la dictature de la vitesse. Et je constate que tout le monde a besoin de ça. Même dans la façon de faire de la musique. On trouve de plus en plus de groupes de rap ou de R’n’B qui produisent une musique lente, léthargique, cotonneuse, comme PNL.
Moi-même, je me suis tourné vers le jazz dès 2006, avec les Jazzbastards, car je n’en pouvais plus de la frénésie du rap : j’avais besoin de la douceur, du swing, du réconfort du jazz. Aujourd’hui, il y a trop d’infos, de mails, de tweets… Tous ces messages que l’on reçoit provoquent, mine de rien, des microstress. Ainsi, quand il y a une actu importante – comme la mort de David Bowie –, on croule sous les messages. Cela crée trop de matière émotionnelle qui vibre dans l’air autour de soi. On ne peut pas absorber tout ça. Il faut apprendre à se protéger. »