Malheureusement, dans la plupart des cas, le seul choix qui se présentera à la fille qui se trouverait dans une situation de ce type consistera à garder indéfiniment ses distances avec sa mère, et ce afin de protéger son propre bien-être émotionnel.
Ainsi, plutôt que de comprendre qu’il s’agit du résultat du désir de sa fille de grandir, la mère peut interpréter cet éloignement, cette rupture comme une menace, une attaque personnelle et directe envers elle, un rejet de la personne qu’elle est et qu’elle représente.
Face à cette situation, il peut parfois être insupportable pour la fille de constater que son désir de prise de pouvoir ou de développement personnel puisse mener sa propre mère, aveuglément, à la voir comme une ennemie.
Dans de telles situations, on prend réellement conscience du prix que représente le patriarcat au sein des relations «mères/filles».
«Je ne peux pas être heureuse si ma mère est malheureuse» : avez-vous déjà ressenti cela ?
La croyance consistant à penser qu’une fille ne peut pas être heureuse si sa mère est malheureuse parce qu’elle souffre des propres manques de sa fille n’est autre qu’un énième héritage du patriarcat.
Lorsqu’une fille renonce à son propre bien-être au profit de celui de sa mère, elle empêche le bon déroulement d’une part indispensable du processus de deuil.
Il faut pleurer la blessure dans la lignée maternelle, car ne pas le faire empêcherait d’avancer. Une fille n’est pas en mesure de guérir sa mère, car nous sommes tous responsables de nous-mêmes.
C’est pourquoi il est nécessaire de rompre et de trouver son propre équilibre, ce qui n’est possible que si on bouscule les schémas patriarcaux et que l’on ne se contente pas de la complicité d’une paix superficielle.
Il faut beaucoup de courage pour initier ce processus de détachement, mais comme l’affirme Bethany Webster, laisser nos mères être des êtres individuels, cela nous libère en tant que filles et en tant que femmes, nous permettant à notre tour d’être des êtres individuels.
Il n’y a rien de généreux dans le fait d’assumer le poids de la souffrance des autres ; ce n’est pas un devoir auquel on se doit de se plier sous prétexte que nous sommes des femmes, et nous n’avons pas à nous sentir coupables si nous refusons d’assumer cette fonction et de jouer ce rôle.
La fille doit cesser de chercher à tout prix à être reconnue et acceptée par sa mère, même si cela implique une certaine souffrance. Cela suppose une perte d’indépendance et de liberté qui la transforme.
Ce rôle «d’auxiliaires émotionnelles» que l’on confie généralement aux femmes découle du legs de l’oppression.
C’est pourquoi il est nécessaire de comprendre que tout cela est fictif si on n’obéit à nos besoins explicites. Le simple fait de garder cette perspective en tête nous permettra de laisser de côté la culpabilité et d’éviter de la voir nous contrôler.
Les attentes que le monde a des femmes peuvent parfois être très cruelles ; de fait, elles constituent un véritable venin qui les oblige à oublier leur individualité. Or, il est temps de passer à autre chose et d’avancer.