LE DÉCLIC, LE LENDEMAIN DE NOËL

S’il ne m’avait pas quittée, je seraie encore avec lui. J’ai eu la chance qu’il nous abandonne au lendemain de Noël. Il ne supportait plus les enfants qui prenaient de plus en plus de place dans la maison. Il était censé rentrer le 31 décembre mais il n’est pas réapparu. Ce soir là, j’ai passé la soirée chez des amis qui ont tenté de me raisonner. Je me suis isolée, j’ai pleuré et pris ma décision. Le lendemain, au bout de vingt-cinq ans de mariage, j’ai  déposé une main courante au commissariat pour abandon de famille. A bout, j’ai décidé de lancer une procédure de divorce. Je devais être soulagée d’avoir pris cette décision mais Jean continuait à me culpabiliser. Je voulais divorcer mais je ne savais pas pourquoi, je n’y croyais pas. J’ai consulté des médecins, des psychologues puis un jour j’ai fais une recherche sur Internet.

En tapant « personnalité difficile », je suis tombée sur le site du docteur Pagnard. Sur l’écran, j’ai vu écrit « Votre mari vous traite de sorcière », « Votre mari est jaloux », alors « Vous êtes victime de harcèlement moral ». Ce fut une révélation mais j’en doutais. J’ai cherché d’autres spécialistes décrivant le processus de manipulation. J’ai alors découvert Isabelle Nazare Aga. Cette thérapeute a défini trente caractéristiques principales pour repérer un manipulateur, et considère qu’à partir de quatorze critères remplis, on a bien à faire à ce type de personnalité. J’avais besoin de comprendre, de la rencontrer. Entre temps, je suis tombée sur des carnets appartenant à Jean en rangeant la cave. J’ai découvert que peu après notre mariage, il me traitait de « mégère » et écrit : «  Tant que je suis avec ma femme, je n’irai pas travailler ». J’ai alors décidé de m’inscrire à un séminaire de contre-manipulation pour apprendre à ne plus parler avec mes émotions mais à parler contre lui. Il fallait que je cherche à le faire culpabiliser et non plus à me défendre. Il m’a traitée comme une moins que rien, c’est hallucinant qu’une personne se permette cela.

J’AI COMPRIS QUE LA JALOUSIE DANS UN COUPLE ÉTAIT SYNONYME DE HARCÈLEMENT

Depuis qu’il est parti, je suis 1 000 fois plus heureuse, même s’il y a encore la procédure de divorce à gérer. Il se victimise, c’est un pervers malheureux. Moi je suis la nantie, lui la victime. En fait, il a très bien réussi sa vie. De mon côté, j’ai réaménagé la maison comme je l’entends. J’ai énormément d’amis, je suis bien entourée, tout le monde m’invite chez lui. Mais aujourd’hui à 60 ans, j’ai perdu toute confiance en moi, je suis plus méfiante qu’avant. Je me suis fait avoir une fois, pas deux. Maintenant, j’ai compris que la jalousie dans un couple était synonyme de harcèlement. Il faut se faire respecter par son conjoint et arrêter de se taire, arrêter d’être forte et de faire la fière, quitte à démêler ce qu’on vit avec un spécialiste. Il ne faut rien garder pour soi sinon il y a un risque d’enlisement. J’ai passé 27 ans de ma vie à culpabiliser et à affronter un homme qui prêchait toujours la bonne parole. Ma vie était anormale et écrire m’a aidée à prendre conscience que j’ai été victime d’un pervers. Avec les autres filles, nous avons beaucoup pleuré. Nos trois histoires sont très différentes. Mais au fond, nous avons tout de même quelque chose en commun : nous sommes toutes les trois des filles perfectionnistes, droites et entières. »