Parce que les autres ne supportent plus de nous voir tourner en rond, parce que nous aussi on se dit : allez, c’est bon… Le moment est venu de tourner la page. Pour bien négocier les virages, quelques pistes sont à suivre. Esprit & Santé vous explique comment passer à autre chose, en cinq étapes.
Passer à autre chose, on le fait plus souvent qu’on ne le croit.
Parce qu’on a des seins qui poussent, un mec qui nous propose de vivre avec lui, un maître de stage qui nous offre un CDI… on prend de nouveaux départs.
Voulus ou pas, ils nous font vivre le même processus : on abandonne un morceau de ce qui a fait notre vie d’avant sans avoir eu le temps d’y réfléchir.
Jusqu’au jour où, face à une situation qu’on ne maîtrise pas, on se retrouve scotchée, embourbée.
Cette fois, le changement n’est pas évident.
Quelque chose coince, jusqu’à devenir insupportable…
« Bouge-toi », disent ceux qui nous veulent du bien.
On comprend qu’il est temps d’agir quand les autres nous le font sentir, en nous balançant par exemple quelques piques cinglantes : « Tu nous gonfles avec ton histoire ! »
Faire changer les choses devient alors un objectif et une décision, avec tout ce que cela comporte de doutes, de défi, mais aussi de fierté et de liberté à la clé…
Pour savoir comment passer à autre chose, il faut passer par quelques étapes essentielles.
Comprendre pourquoi on stagne
« L’étape la plus compliquée, et souvent la plus longue, quand on sent qu’il faut tourner une page, c’est d’analyser la nécessité absolue de cet acte. Une prise de conscience difficile, mais nécessaire », affirme Isabelle Micottis, coach en communication.
« Mes relations avec ma mère n’ont jamais été sereines, or j’étais très proche de la mère de Maxence, confie Sabrina. Quand il m’a quittée, une partie de mon monde s’est écroulée. J’ai eu besoin de garder un lien avec sa mère pour tenir le coup. Parce qu’on s’entendait bien et qu’elle n’avait pas de fille, on allait rester amies. Pendant des mois, elle me racontait tout de Maxence, de sa nouvelle vie, et même de sa copine qu’elle n’aimait pas beaucoup. De mon côté, je jouais l’indifférente. Et me disais que conserver ce lien allait m’aider à “couper les ponts” à mon rythme. Sauf que je ne coupais rien. Mes copines m’ont pourtant secouée, prévenue. Jusqu’à me faire sentir qu’elles n’étaient pas le Samu des soucis non plus… Le jour où j’ai demandé à Ségolène de me prêter son break pour déménager, et qu’elle a découvert que c’était en fait pour la mère de Maxence, j’ai su que j’avais dépassé les bornes. Il était temps de passer à autre chose. »
On peut évidemment choisir le divan d’un psy pour se faire aider, mais déjà, plus rapide, un papier et un stylo : « Les listes permettent d’y voir plus clair : d’un côté, on note ce qui ne va pas, et en face ce qu’on pourrait mettre en place pour sortir de cette situation, dans laquelle on a beaucoup à perdre si on s’obstine à mentir, et à se mentir », conseille Isabelle Micottis.
S’accorder le droit d’aller mieux
Une fois que l’on sait que la situation ne nous convient pas, logiquement on devrait tout mettre en œuvre pour en sortir.
Sauf que si l’être humain était logique, ça se saurait ! Et que le processus est loin d’être simple.
D’autant qu’on n’est pas au top de sa forme, le cerveau un peu en état de choc, incapable d’appliquer les bons conseils qu’on nous dispense.
Le premier frein, c’est notre difficulté à comprendre qu’on a le droit d’aller mieux.
« Il est parfois plus facile de se positionner en victime que de retrousser ses manches pour s’en sortir », confirme la coach Isabelle.
Ce statut de fille fragile, « mollo, je souffre, parlez-moi gentiment », Sonia le connaît bien :
« L’été dernier, en rentrant de vacances, j’ai trouvé la porte de chez moi défoncée. Tout mon appartement sens dessus dessous, les meubles saccagés. On m’a volé les bijoux de ma mère, mon ordi… Un vrai choc. Mes amis ont été aux petits soins pour moi. Ils m’ont aidée à nettoyer, à réparer… Une amie a même dormi une semaine chez moi. Les semaines qui ont suivi, ils ont accepté mes annulations de dernière minute, mes retards, mes sautes d’humeur. Je m’obstinais à entretenir la peur et la colère. Je leur dessouderais bien la tête à ces petits minables ! C’était une super bonne raison d’être de mauvais poil. De me plaindre. On devait me parler gentiment, ne pas me brusquer. C’est une copine qui a fini par me dire que ce qui m’était arrivé était très dur, mais que tant que je vivrais « en fonction de ça », ce sont ces types qui gagneraient. Ma meilleure vengeance : reprendre ma vie d’avant et passer à autre chose. Elle avait raison. Je me posais en victime d’un complot qui n’existait que dans ma tête. Or on a des comptes à rendre à ceux qui vivent autour de nous. Ils nous soutiennent un temps, mais pas indéfiniment. »
Faire le premier pas
« Dès la petite enfance, on nous apprend à ne pas baisser les bras, à se relever quand on tombe, à s’améliorer, à ne pas renoncer. Ça continue à l’école, puis au travail. Et même dans la littérature ou le cinéma, c’est cette idée qui prévaut : sans obstacles et sans volonté farouche de les surmonter, il n’y aurait que des navets… », analyse Isabelle Micottis.
Du coup, une drôle d’idée s’imprime dans nos têtes : galérer, c’est normal.
Et passer à autre chose, c’est abandonner, renoncer, fuir et donc faire preuve de lâcheté… ou de paresse.
Et ça va même encore plus loin : on a parfois l’impression que l’objectif que l’on poursuit est d’autant plus « intéressant » qu’il est laborieux.
« Le paradoxe, explique la coach, c’est qu’au bout d’un moment, on a rencontré tellement d’obstacles qu’on se dit qu’on ne peut pas renoncer maintenant, parce que tous les efforts seraient alors perdus… »
Une sensation que confirme Melissa :
« Je n’ai rien vu venir. Il est rentré un soir et m’a rendu les clés avec un simple “c’est fini”. Trois ans effacés en deux minutes. Si j’ai mis autant de temps à tourner la page, c’est que pendant des mois, j’ai repensé à tout ce que j’avais fait pour essayer de rendre cette histoire possible. Je l’ai aidé à trouver sa voie professionnelle, à aimer la vie de couple, à être plus tendre, plus attentif, moins perso… Et l’idée que sa prochaine nana n’aurait plus qu’à tendre le bras pour cueillir le fruit de tout ça m’était vraiment insupportable… Du coup, impossible d’enclencher le moindre processus de deuil. »
D’un côté, la volonté de se battre, de l’autre la nécessité de tourner la page.
Une vraie confusion mentale.
Comment on s’en sort ?
Pour l’écrivain et coach Paul-Henri Pion, il faut « réconcilier ces deux idées en affirmant que changer de cap est une façon de ne pas renoncer, mais juste une volonté d’avancer pour se faire du bien ».
Lâcher prise
Passer à autre chose, le plus dur est fait.
Le virage a été pris et une nouvelle situation est là…
À laquelle on ne se fait pas.
Encore trop attachée au passé.
On réalise qu’il ne suffit pas de bouger physiquement, il faut aussi tourner la page mentalement et ne plus regarder en arrière.
C’est ce qu’a vécu Stéphanie en s’installant à Paris :
« J’ai fait mes études en coloc à Toulouse. Trois années de folie. Après mon diplôme, on m’a proposé un CDI à Paris. Vu la conjoncture, la question ne se posait même pas, j’ai foncé. Dès mon premier trajet en métro, je décide que je déteste cette ville. Mes potes me manquent. Mon appart de 120 m² aussi. Le soleil, les apéros sur la Garonne, le sourire des gens, la liste est longue comme le bras. Et je me la répète souvent, pour me persuader que c’était mieux avant. Bien sûr, je visite zéro musée, je refuse d’aller découvrir des bars sympas parce qu’à Toulouse, c’est la pinte qui coûte 3 euros, pas le café, et je maudis les Parisiens. Après un week-end entier toute seule, je passe un dimanche soir ultra déprimant. Et je comprends : soit je continue à me plaindre et à regretter, soit je tourne la page de la Ville rose, et je laisse une chance à cette nouvelle vie en me donnant les moyens de l’aimer. Et en arrêtant de m’accrocher à un idéal, qui n’était en fait qu’une possibilité de fuite. »
Un cheminement que Paul-Henri Pion résume ainsi : « Lâcher prise, c’est trouver un passage quand tout semble bloqué, en arrêtant de résister et en allant vers plus de fluidité. »
Autrement dit, cesser de se crisper sur un « avant » qui ne sera jamais égalé.
« Si on passe son temps à pester, il y a fort à parier qu’on ne récoltera que de l’animosité. Du coup, on s’épuise et autour, tout se dégrade. En décidant de sortir de l’opposition, de tous les obstacles qu’on se construit, on ouvre une nouvelle porte. »
Accepter de changer la donne, ce n’est jamais une évidence.
C’est un travail d’approche qui demande qu’on fasse le grand vide dans sa tête d’abord.
Et qu’on fasse taire ses peurs.
Y arriver vraiment
Nous voici donc devant cet inconnu, et voilà que ça tangue.
Car on ne va pas se mentir en se persuadant que ça va marcher comme sur des roulettes : même quand on est sûre d’avoir fait le bon choix, il y a cette foutue trouille qui se matérialise par une petite voix dans notre tête, et qui nous redemande en boucle si on a fait le bon choix.
« On a le réflexe, explique Isabelle Micottis, d’élaborer le scénario le plus défavorable. La solution ? Il faut inverser la tendance et imaginer plutôt la suite idéale. Décider de changer de fréquence, éteindre Radio Critique : “Tu n’y arriveras pas…”, “C’était mieux avant”, et se brancher sur Radio Coach, la petite voix qui croit en nous et nous encourage à prendre des risques. »
Puis, en repérant d’emblée les portes de sortie, on se donne toutes les chances de vivre sereinement la suite.
D’autant qu’on a désormais une nouvelle arme secrète.
En tournant une page, on augmente notre capacité à tourner les suivantes !
A lire :
« Manuel de lâcher prise », de Paul-Henri Pion, éd. Eyrolles.
« Lâche ton trapèze et attrape le suivant ! Bien réussir les transitions de la vie » d’Olivier Clerc, éd. Eyrolles.
«Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une », roman de Raphaëlle Giordano, éd. Eyrolles.