Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? Si toute rencontre paraît découler d’une suite de coïncidences imprévisibles, chacun de nous l’aborde, à son insu, bardé d’un tas de déterminismes conscients et, surtout inconscients.

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Moteur ! Le temps s’arrête, c’est lui, c’est elle. Qu’elle dure une minute, une nuit ou une vie, la rencontre est magie. Séquence émotion. Elle change le quotidien en conte de fées, le gris en rose, le plomb en or. Une soudaine légèreté de l’air l’accompagne. D’une vie stable et sans histoires, on passe à la vie rêvée des anges. Comme l’explique si joliment Jean-Claude Kaufmann (La Femme seule et le Prince charmant), chaque être humain est un bernard-l’ermite condamné à vivre blotti dans la coquille de son identité. Sa seule chance d’ouvrir son âme et de sortir de ce cocon est de se livrer à l’être aimé… pour mutuellement se réinventer.

Seulement voilà, pourquoi croise-t-on des milliers de personnes et n’en aime-t-on qu’une seule ? Pourquoi Marion et Frédéric, qui travaillaient ensemble depuis trois ans, se sont-ils vus comme jamais ce soir du 19 mai 1998 ? Qu’est-ce qui a poussé Marthe et Fabrice dans les bras l’un de l’autre, eux que tout sépare, âge, univers social, etc. ? Le hasard ? Cupidon ? Certes non ! Même si toute rencontre semble découler d’une suite de coïncidences imprévisibles, chacun l’aborde bardé, à son insu, d’un tas de déterminismes conscients et, surtout, inconscients.

L’emboîtement de deux névroses

Nul besoin d’être sociologue pour constater qu’on a plus de chance de tomber l’un sur l’autre si on fréquente la même fac, la même entreprise, le même quartier ou le même club sportif… C’est mathématico-logique, la loi des probabilités. Mais, n’en déplaise aux obsédés des statistiques, cela ne signifie pas pour autant que les rencontres sont déterminées par les  » affinités sociales « . C’est plus subtil que ça…Pour les scientistes, tout est biologique : les signaux visuels, acoustiques, olfactifs et hormonaux du partenaire font craquer le cœur – ou plutôt les récepteurs – de l’amoureux affolé. C’est moins rationnel que ça…

Oui, la vérité est ailleurs, enfouie dans les abysses de notre psyché. Freud a le premier mis en évidence qu’on ne rencontre que ce qui existe déjà dans son propre inconscient.  » Trouver l’objet sexuel (l’objet aimé) n’est, en somme, que le retrouver « , telle serait la loi du désir humain. Marcel Proust, en écrivant qu’on imagine d’abord et qu’on rencontre ensuite, ne dit pas autre chose… La rencontre amoureuse se construit sur des fondations, du régressif, de l’affect, de l’ambivalent, confirme Jean-Georges Lemaire, l’un des premiers psychothérapeutes à s’être intéressé aux couples en détresse. Le choc amoureux est une  » collusion inconsciente « , explique-t-il, l’emboîtement de deux névroses complémentaires. On est attiré par l’autre parce qu’il entre en résonance avec le petit enfant qu’on était et qui demeure au fond de soi. Voilà donc, écrit Isabelle Yhuel (Quand les femmes rompent), la définition du Prince charmant :  » Un homme qui s’emboîte à notre symptôme. «