« Y a plus d’hommes », se lamentent les femmes célibataires. Vrai ? Faux ? Le point sur le cache-cache le plus excitant de notre époque.
Au lycée, ils traînaient en bandes. A la fac, idem. Après 30 ans, c’est fini ! Toutes les filles vous le diront : à cet âge-là, les hommes qu’on rencontre sont soit gays, soit accompagnés. « Quand on est une fille indépendante avec un bon job, trouver un mec bien qui a envie de vivre une histoire, c’est aussi difficile que de dénicher un pull Isabel Marant en solde », raconte Sophie, 38 ans. Soirées de boulot, inscription sur Meetic, dîners en ville… rien n’y fait, elles et ses amies restent célibataires. Pourquoi une telle solitude féminine ? Loin d’être la conséquence d’un comportement individuel ou d’une personnalité compliquée, le « surcélibat » féminin contemporain s’explique. Voici comment.
LA VIE EN SOLO EST LA NOUVELLE NORME SOCIALE.
Selon l’Insee, 38,8 % des Français vivaient seuls en 2012 d’un point de vue administratif (un chiffre qui monte à 51 % en région parisienne), soit 20 millions de personnes. 8 millions d’entre elles étaient engagées dans une relation, ce qui laisse environ 12 millions de célibataires. Ils n’ont jamais été aussi nombreux. Toujours selon l’Insee, de plus en plus d’hommes ne vivent pas en couple par choix ou par contrainte. 10 % de ceux qui sont nés entre 1961 et 1965 n’ont jamais connu le concubinage (deux fois plus que leurs pères). Une tendance au célibat que Luc Masson, de l’Insee, explique par le fait que « la pression sociale qui poussait au mariage ou à créer une famille se relâche ». Du coup, les hommes cherchent de moins en moins à se lier sentimentalement.
DU CÔTÉ DES FEMMES (52 % DE LA POPULATION), RÉUSSITE RIME SOUVENT AVEC CÉLIBAT.
Plus une femme est diplômée, plus elle risque de rester seule. Professeure à l’ESCP, Elisabeth Tissier-Desbordes pointe la différence des célibats masculin et féminin. « Schématiquement, entre 30 et 50 ans, la majorité des femmes célibataires appartiennent aux catégories supérieures, tandis que les hommes célibataires sont plutôt ouvriers ou employés. » Pourquoi ? « Parce que, traditionnellement, la mobilité sociale matrimoniale des femmes est supérieure à celle des hommes », remarque Pascal Lardellier, professeur, spécialiste de la communication (1), ce qui signifie qu’elles se marient souvent légèrement au-dessus de leur condition, alors qu’elles sont peu nombreuses en haut de l’échelle sociale à se lier avec un homme moins nanti. « Un couple formé d’une femme très diplômée et d’un homme qui a le niveau bac reste une transgression », souligne Pascal Lardellier.
LA FÉMINISATION DE LA SOCIÉTÉ FRAGILISE LES HOMMES.
S’il est vrai que la parité n’est pas totalement acquise (le monde politique et les entreprises restant largement dominés par les hommes), la société ne cesse de se féminiser depuis les années 70. Certains domaines comme la santé, l’enseignement, la justice, la culture sont devenus majoritairement féminins. « Comment fait-on pour être un homme ? » est une interrogation qui revient souvent sur le divan des psys. Avec ce paradoxe : plus la société paraît libérer les individus via une masculinité moins rigide et moins caricaturale, plus l’angoisse monte. « Avant, quand il rentrait dans le cadre, un homme était assuré d’être un homme », explique Jean-Pierre Winter, psychanalyste et écrivain (2). Il ne se posait pas de questions, il savait qu’il devait être « le balèze dans la civilisation », celui qui nourrit sa famille et la protège en cas de conflit. Tout a changé. Une femme peut se passer d’un homme, même pour concevoir un enfant. Cette révolution influe sur notre psychisme, assurent les psys. En attendant que s’invente une nouvelle mythologie amoureuse, l’homme moderne, métrosexuel en pleine confusion que personnalise bien Romain Duris dans « Casse-tête chinois », ne comprend plus ce qu’une femme attend de lui. Il se perçoit comme inutile, accessoire, dévalorisé. Paralysé par l’angoisse, il freine des quatre fers face à la rencontre. « De nos jours, on prétend qu’on n’attend rien de l’autre et, pourtant, dès qu’on est en couple, on est constamment mis à l’épreuve », regrette Simon, 40 ans.