Des mots en apparence anodins peuvent cacher de grosses tentatives de manipulation dans le couple… Et celles-ci s’avèrent parfois destructrices pour celles et ceux qui y sont exposés. Le psychiatre Robert Neuburger a accepté de décrypter quelques-unes de ces « paroles perverses » qui minent la vie à deux.

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Faux raisonnements, mensonges, communication paradoxale… Que ce soit pour se protéger ou pour cacher quelque chose, nous pouvons tous, un jour, employer un raisonnement tordu, sans pour autant vouloir consciemment faire mal à l’autre. De la même façon, nous sommes rarement capables de repérer la désinformation dans les paroles prononcées par l’être aimé. Pour Robert Neuburger, psychiatre, psychanalyste, thérapeute de couple et de famille, ces manipulations langagières peuvent littéralement « engluer l’autre dans un piège ». « Un couple est une bulle opaque au monde extérieur. Le revers de cette intimité est qu’il n’y a pas de témoins de ce qui s’y passe. Dans ce contexte peuvent se jouer des drames. Des modes pervers d’utilisation du langage peuvent être utilisés afin d’aveugler, rendre confus, stigmatiser son ou sa partenaire. » Prendre conscience de ce qui est réellement en train de se jouer, permet de déjouer la manipulation et « d’éviter de sombrer dans les pathologies que ces paroles perverses peuvent causer ». Voici quelques exemples de ces « mots tordus », décryptés par le psychiatre.

La culpabilisation

« Il m’a trompée, mais il soutient que c’est de ma faute, que je ne suis pas assez présente pour lui. »

Robert Neuburger : « Cette manipulation langagière est la plus fréquente : la personne qui se sent accusée va retourner la situation. Non seulement elle ne va pas reconnaître sa part de responsabilité, mais elle va rendre l’autre entièrement responsable de son comportement. La manipulation est assez grossière mais fonctionne malheureusement très bien si la victime a peur de se confronter à son conjoint, craignant de le perdre. Si la femme, dans le cas d’espèce, en vient à se sentir réellement coupable, le problème se complexifie. »

Comment déjouer le piège : « En tant que thérapeute, je demanderais à cette femme si elle est sensible à la culpabilisation. Cela permet à la fois de mettre des mots sur ce qui se passe, mais aussi d’attirer son attention sur son éventuelle tendance à la culpabilisation qui serait ici un point faible. Le travail thérapeutique consistera alors à évoquer avec elle les raisons pour lesquelles elle présente certaines dispositions à la culpabilité. »

L’apitoiement

« Je veux la quitter, mais elle va très mal et m’en empêche. »

Robert Neuburger : « Certaines personnes plus que d’autres, sont sensibles au malheur des autres. Cette fibre empathique peut aisément être utilisée par les manipulateurs. Dans le cas présent, celui qui veut partir ne le peut pas, car le conjoint fait appel à ce qui reste d’affection pour l’en empêcher. Un homme qui part avec une autre femme ne déteste pas la précédente. Il l’apprécie souvent encore en tant que personne, mais l’attrait sexué n’est plus.  C’est un piège terrible. J’ai eu dans mon cabinet des maris me demandant de faire en sorte que leur femme aille mieux pour pouvoir partir ! C’est impossible. »

Comment déjouer le piège : « Il est parfois difficile de distinguer un authentique désespoir d’une manoeuvre manipulatrice. Mais ces comportements donnent parfois lieu à des véritables chantages affectifs, surtout si des propos suicidaires sont évoqués. Selon moi, le mieux est de mettre les pieds dans le plat, quitte à demander : “Si je reste, c’est par pitié, penses-tu que ce soit un bon lien pour un couple ?“ »

La dette

« Comment peut-il me faire tous ces reproches alors que j’ai tout sacrifié pour lui ? »

Robert Neuburger : « Certains manipulateurs exploitent la tendance de leur partenaire à se sentir en dette. Le plus souvent, la partenaire déclare : “J’ai laissé tomber ma carrière pour toi“. En réalité, la plupart du temps, ce sacrifice est concédé pour les enfants. Ce n’est pas tout à fait pareil, même si, effectivement, l’autre peut alors poursuivre sa vie professionnelle. D’autres, au contraire, peuvent aller jusqu’à se mettre eux-mêmes en dette à l’égard de l’autre. Il est difficile de renoncer à une relation très investie affectivement et financièrement. Car si l’on y renonçait, on aurait l’impression d’avoir investi à perte toutes ces années… Cette dette que l’on se crée soi-même est la clé de l’aliénation. »

Comment déjouer le piège : « Il faut se demander s’il existe réellement une inégalité dans le couple, faire un bilan le plus objectif possible de ce que chacun des deux partenaires a pu offrir à la relation. Par exemple, si l’un d’entre eux affirme : “j’ai quitté mes parents pour venir vivre avec toi“, il ne s’agit pas forcément d’un sacrifice. »