Éve est sur le point de dire oui à Bejamin quand une amie l’entraine dans une aventure grandeur nature bien plus folle que prévu…
Ma vie a basculé lorsqu’un Viking m’a enlevée. Dit comme ça, c’est délirant puisque je ne suis pas une paysanne du haut Moyen Age, mais une Parisienne de 2016. Pourtant, c’est vrai.
En 2014, j’avais 32 ans, j’étais chef de produits cosmétiques, et j’allais épouser Benjamin, mon mec depuis dix ans, banquier d’affaires, un poil conventionnel. Depuis des mois, je préparais ma cérémonie romantico-folk, les pieds dans le sable au Cap-Ferret, avec des spartiates dorées et une couronne de fleurs dans les cheveux. Tout était sous contrôle, sauf Benjamin qui râlait devant cette super-production.
Et puis le destin, aidé par mon amie Dorothée, s’en est mêlé́. Dorothée, dite « Do », c’est mon amie fofolle. Moi, j’avais tout fait comme il faut : les études, l’école de commerce, le boulot, le fiancé.
Do, elle, avait arrêté le lycée pour filer à Londres comme serveuse, puis était revenue à Paris pour suivre une formation de jongleuse, tout en lançant des bijoux faits de trombones. Succès mitigé pour les bijoux… « On va se faire une teuf de ouf pour ton enterrement de vie de jeune fille ! » m’a-t-elle annoncé deux mois avant le mariage. « Je t’emmène à un truc dément dont tu te souviendras toute ta vie. » J’ai essayé d’en savoir plus. Rien à faire. Un samedi de juin, on a quitté Paris toutes les deux à bord de Ginette, sa vieille 205. Vers 16 heures, on arrivait dans la campagne normande, près de la mer. C’était vert, c’était beau, c’était vide. « Il est où, l’hôtel ? – T’inquiète, on y est. »
DES DRAKKARS SUR LA SEINE
Dix minutes plus tard, on arrivait devant des ruines cernées de combis Volkswagen, motos, vieilles voitures, avec beaucoup de mecs et quelques tentes. Dans le parking, Do m’a dit : « On va vivre un jeu de rôle grandeur nature [GN]. – « Un, quoi ? – Un jeu de rôle grandeur nature.
On est en 841, et les drakkars vikings vont remonter la Seine. Nous, on est des paysannes normandes. C’est génial, non ? » Je suis restée sans voix en nu-pieds et jean slim. Do était encore plus cinglée que d’habitude. « Hors de question. On file à Trouville et on oublie cette connerie. – Ah, non ! J’ai tout préparé depuis des mois, je me suis ruinée pour les places », a répondu Do. Au bout de vingt minutes de tergiversations, elle a accepté de repartir.
Sauf que Ginette n’a pas voulu démarrer. Les larmes aux yeux, Do m’a suppliée de l’accompagner. Sous une tente, j’ai donc enfilé une robe absurde en toile qui me démangeait et des sabots. J’ai clopiné comme j’ai pu et, dehors, j’ai trouvé Do déguisée et hilare. Triomphante, elle a brandi un truc jaunâtre. « Je t’ai pris une perruque parce qu’une coupe à la Jean Seberg en l’an 841, ça craint. » Et je me suis retrouvée avec deux tresses en crin sur la tête. Là, j’avoue, j’ai lâché prise, mon coach aurait été fier de moi… On m’a dit de me placer derrière un muret et « de [me] laisser aller ». Il y avait une odeur de fumée, la mer devant moi, le soleil qui se couchait. C’était beau. Et fou.