Anna, 34 ans, est passionnée de photo et de vidéo. Pour tester de nouveaux horizons, elle décide un soir de filmer en secret ses ébats, Jusqu’à devenir accro à ses propres sextapes.

10 ans quand ma tante m’a offert un appareil photo. Depuis, je prends des clichés de tout et de rien. Un pigeon unijambiste, de la glace coulant sur le t-shirt d’un enfant, un homme aux yeux vairons… même si je n’ai pas fait de cette passion un métier (je suis architecte), je me suis essayée à la vidéo. Après avoir réalisé des petits clips et mini-courts-métrages à l’iPhone, que mes amis trouvaient vraiment cool, j’ai décidé d’investir dans du matériel de pro. Une fois l’équipement acquis, il fallait trouver des sujets de films.

Qu’avais-je envie d’immortaliser, de retoucher, de m’approprier ? Après quelques films de voyage (banal) et de jolis portraits de mes amis (classique), une idée m’est tombée dessus.  À part voyager, cuisiner et sortir, qu’aimais-je faire ? L’amour, bien sûr ! Reste que je n’ai jamais été fan des films pornos, trop artificiels à mon goût. Un après-midi de pluie, je me suis demandé pourquoi je ne pas réaliserais pas ma propre sextape.

Je ne voulais pas faire un film avec des gros plans des sexes en action (internet s’en charge déjà très bien), mais plutôt essayer de dégager la poésie des deux corps qui se fondent. Stimulée par mon idée, je n’avais qu’un souci : l’absence de partenaire.

UNE PASSION INAVOUABLE

Célibataire endurcie, je n’ai jamais eu de mal à trouver un amant d’un soir. Quand aurélie, ma meilleure amie, m’a conviée à son dîner d’amis d’enfance, j’ai accepté illico. Dès l’entrée (avocats aux crevettes), j’ai senti que François, avocat aux beaux yeux noirs, me faisait de l’œil, voire du pied. En fin de soirée, il me proposait de boire un verre chez lui. Ne quittant pas des yeux mon objectif d’expérimentation cinématographique, je lui ai rétorqué que mon appartement n’était qu’à quelques pas.

Chez moi, dès la fin du fameux verre, François a clairement manifesté son envie. Afin de mettre mon appareil en marche et faire mes réglages sans qu’il s’en aperçoive, j’ai prétexté devoir ranger un peu la chambre. Angle, cadre, son… heureusement que j’avais procédé aux repérages les jours précédents. Vite, j’ai allumé l’engin vissé sur son pied, vérifié la batterie et la carte mémoire, réglé la lumière et fait le point sur le lit. Puis, j’ai glissé le tout derrière mes manteaux en gardant l’objectif dégagé. « Waouh ! Tu veux vraiment faire l’amour avec autant de lumière ! » François, ébloui par les trois lampes de la pièce, cherchait l’interrupteur du bout des doigts. « Oh non, s’il te plaît. J’adore faire ça en pleine lumière… » Pas du genre insistant, il m’a allongée sur le lit en m’embrassant. J’avais le trac comme une petite fille sur le point de faire une bêtise.

Que se passerait-il  s’il apercevait la petite lumière rouge clignotant à sa gauche ? Ne valait-il pas mieux le prévenir, quitte à ce qu’il parte en courant ? Non, je ne voulais pas abandonner en si bon chemin. Après tout, je ne faisais de mal à personne : le film resterait dans mon ordinateur. Pendant que François me faisait l’amour tendrement, je brûlais d’envie de passer derrière la caméra pour vérifier que nous étions bien cadrés. Lorsqu’il s’éloignait trop de l’objectif pour descendre entre mes jambes ou qu’il tentait de m’attirer vers le bord du lit, je l’agrippais pour le replacer dans le cadre.

Déconcentrée et peu attentive à ce que je vivais, je m’efforçais de ne pas l’alerter. Pourtant, je me suis surprise à gémir pour être sûre que le micro, à quelques mètres, capte quelque chose. Ce qui m’excitait le plus ? L’idée de regarder les rushes de cette expérience incongrue. Le lendemain matin, une fois François parti (j’avais pris soin d’éteindre mon appareil dès ses premiers ronflements), j’ai entrepris de décharger la carte mémoire sur mon ordinateur. Je ne fus pas déçue du résultat ! L’image était nette, le cadrage bien calculé et la lumière équilibrée. J’eus tout de même un drôle de choc en me voyant nue et en pleine action à l’écran, tandis que mes regards inquiets vers l’objectif trahissaient l’actrice-réalisatrice novice.

Qu’allais-je faire de ces trente minutes de rushes ? Avec un filtre sépia, des ralentis sur les mouvements gracieux, des coupes sur les moments trop longs ou plus gênants et une musique électro sensuelle de Rone, j’arrivais à dix minutes de sexe 2.0. Plutôt contente de moi, je renommai cette vidéo « The Tender Lawyer » [le tendre avocat, ndlr] et la stockai sur mon disque dur externe, afin d’éviter tout risque si mon ordinateur était piraté. Excellent exercice pour s’entraîner à la vidéo, rire un peu de soi-même et graver ces moments dans la pierre des souvenirs sympathiques, me disais-je.

 LE CHOC DES IMAGES

Au fil du temps, plusieurs autres hommes passèrent devant mon objectif, mais n’en surent jamais rien. Ce n’était pas systématique non plus car, clairement, lorsque j’allumais ma caméra, je profitais nettement moins de l’instant ! Année après année, j’alimentais mon dossier perso de sextapes, avec de plus en plus de plaisir. Tête renversée et lèvres mordues, soupirs sensuels et gestes gracieux, je me surprenais parfois à jouer les femmes fatales au lit. Il m’arrivait même de ressentir de grandes vagues d’excitation devant mes propres films, dont « The Tinder Surfer », torride partie de jambes en l’air avec un beau blond rencontré sur une appli.

Un jour, mon amie, Aurélie, de passage à la maison, se connecta à mon disque dur externe pour décharger ses photos, alors que j’étais sous la douche. Son cri me fit jaillir hors de la salle de bains. Elle était tombée sur « The Naughty Teacher », vidéo mettant en scène mon coquin professeur de yoga. J’ai cru qu’elle allait s’étouffer de rire et moi de honte ! « Anna, tu es complètement timbrée ! Mais, c’est hyper bien tourné. Tu as fait bosser un réalisateur ? » m’a-t-elle demandé alors que je coupais net le film.

Un peu gênée, je lui ai avoué avoir réalisé une bonne dizaine de films X dans ma chambre pour un usage strictement artistique et personnel. « Tu sais que si tu floutes la tête des mecs et que tu montres tes vidéos à des producteurs, tu pourrais te faire des sous, c’est sûr », a répondu Aurélie. Après avoir envisagé l’idée deux secondes, j’ai refusé. Hors de question que ces vidéos sortent de chez moi, mes parents ne s’en remettraient pas, mon cabinet d’architectes n’apprécierait que moyennement, et mes acteurs involontaires me feraient un procès. Non, ces vidéos existaient pour moi. Et aussi, je dois l’avouer, pour la Anna de 2064 à la vie sexuelle sans doute révolue qui, à 80 ans, sera ravie (j’en suis sûre) de se rappeler ainsi sa belle époque !