« Je n’ai pas toujours la tête au sexe »

Bruno, 35 ans, avoue avoir vu le nombre de ses rapports sexuels diminuer depuis qu’il a monté son entreprise, il y a quelques mois. « C’est une responsabilité énorme, un investissement de tous les instants, de mon réveil jusqu’à ce que je me couche. Je veux me donner les moyens de réussir ce que j’entreprends et je n’ai pas toujours la tête au sexe. Marie, ma compagne, est aussi en pleine reconversion professionnelle. Elle non plus n’est pas forcément très demandeuse. Mais il est vrai que j’ai parfois peur que cette situation ne lui convienne pas autant qu’à moi. »

Les hommes ne sont donc ni soumis à un besoin sexuel imposé par leur nature, ni à une libido linéaire. « On part souvent du principe, à tort, que les hommes fonctionnent en ‘on-off’, qu’ils sont toujours potentiellement prêts à avoir un rapport sexuel, analyse Alexandra Hubin. Mais le fait qu’il existe une part hormonale plus grande chez l’homme (ils ont davantage de testostérone, hormone du désir sexuel notamment) ne signifie pas que leur désir sexuel est mécanique. Il est en réalité dépendant, comme chez la femme, de multiples facteurs qui peuvent le fragiliser -la fatigue, le stress, la dépression- ou le faire fluctuer, négativement ou positivement en fonction d’un changement professionnel, de l’arrivée d’un enfant ou d’autres événements importants. »

Etre à l’écoute de son partenaire

Si tous les couples traversent ou traverseront à un moment ou à un autre ces discordances de désir sexuel, celles-ci ne sonnent pas pour autant le glas de la relation. Hélène, 24 ans, explique que sa baisse de désir sexuel est survenue très rapidement après sa rencontre avec Mehdi. « Les trois ou quatre premiers mois, nous avions autant envie l’un que l’autre. Et puis au fur et à mesure, je suis devenue plus réservée que lui. Je me suis posé beaucoup de questions sur ma féminité, sur notre relation, sur ma vision de l’amour. J’ai réglé certains problèmes familiaux qui pouvaient se répercuter sur mes envies, mais ça n’a rien changé. Lui me dit qu’il le vit plutôt bien, que ‘ça va’, même s’il y a des moments où il se sent rejeté. »

Sur SexySoucis, c’est ce même sentiment que partagent ceux qui s’inquiètent de la diminution de leurs rapports sexuels. « Ils interprètent souvent le baisse de désir de leur partenaire comme une diminution de l’envie d’eux, plutôt que comme une diminution d’envie tout court, relate Diane Saint-Réquier. Ils se sentent remis en question dans ce qu’ils sont, et se mettent à douter des sentiments de leurs conjoint(e). »

Rassurer celui ou celle qui essuie ses refus est la mission principale de celui qui a moins souvent envie que l’autre. À l’inverse, celui qui voudrait avoir des rapports sexuels plus fréquents se doit de respecter sa ou son partenaire, et ne jamais le forcer ou l’amener à se sacrifier pour assouvir ses propres désirs. Le pouvoir dire non, s’écouter, se respecter: tels sont les fondements d’une sexualité heureuse et épanouie, rappelle Diane Saint-Réquier dans chacune de ses réponses. « Se forcer ou forcer l’autre ne risque que d’aggraver la situation, en accentuant les blocages, en créant des traumatismes. Alors que se parler, réfléchir ensemble à des solutions envisageables, c’est essentiel. »

Dans son cabinet à Bruxelles (Belgique), Alexandra Hubin reçoit chaque jour des couples qui se soucient de voir la fréquence de leurs rapports sexuels diminuer. « Notre premier rôle est d’informer, d’expliquer aux couples que ce qu’ils traversent est fréquent. Les rassurer quant au fait qu’une diminution du désir n’est pas forcément synonyme d’une diminution du sentiment amoureux. Puis, si cela est nécessaire, les aider à se retrouver. »

*Philippe Brenot est l’auteur notamment de Les Femmes, le sexe et l’amour, Ed. Les Arènes, 2012

**Alexandra Hubin est l’auteure, avec Caroline Michel, de Je sexopositive!, Eyrolles, 2015