… une preuve d’amour

Luc, 52 ans, peintre, divorcé

« Une femme qui se laisse sodomiser est une femme capable de se donner au-delà d’elle-même. C’est ça qui est excitant pour un homme. Personnellement, c’est de cette manière que j’ai connu mes plus grandes jouissances. L’anus se referme sur le sexe, comme une main ou une bouche. Je n’ai jamais rien connu d’aussi fort… La première fois que je l’ai fait, c’était par erreur : j’avais 18 ans, je n’avais aucune expérience, emporté par ma fougue, je me suis trompé d’orifice. Mais j’en ai gardé un souvenir si ému que j’ai toujours recommencé avec toutes mes compagnes… Si une femme me le refuse, je pense tout simplement que c’est parce qu’elle ne m’aime pas. Ou pas assez. Ou pas comme je voudrais qu’elle m’aime. C’est-à-dire sans limites… »

… un degré de plus dans l’intimité

Benjamin, 21 ans, étudiant, célibataire

« La sodomie, c’est un truc tabou, que la société considère un peu comme une déviance. C’est pourquoi elle a peut-être une force significative plus grande. Il y a quelque chose de plus fusionnel, de plus intime qui s’instaure entre la fille et vous. Chaque fois, ça m’a rapproché d’elle, comme une expérience que l’on partage en plus de la sexualité normale. C’est ce degré de plus que je trouve excitant. Après, il y a la notion d’interdit, de “sale”, de “pervers” qui doit aussi participer à mon excitation, même si je n’en suis pas très conscient. En tout cas, pour vivre cette expérience un peu interdite, il faut déjà être assez complices. Les quelques filles avec lesquelles je l’ai fait, ce n’étaient pas des one shot, mais mes petites amies officielles. »

 

« La pénétration anale a ceci de particulier qu’elle porte le poids d’un tabou moral et psychologique important. Elle inscrit le rapport sexuel dans la recherche exclusive de plaisir, sans aucune reconnaissance du but “naturel” de l’accouplement : la procréation. Car même inconsciemment, la possibilité de grossesse joue toujours un rôle dans la sexualité du couple.

Et c’est peut-être à partir de ce point de vue que la femme a une lecture différente de la demande de sodomie. Envisagée sous un angle “improductif”, la femme peut y entendre une négation de ce qu’elle est, le vagin rendant compte de la spécificité féminine. Or celui-ci flirte aussi avec la spécificité d’enfanter : la femme peut y voir le lieu de son pouvoir. Le pénis en révèle les contours, crée la magie des vibrations de la jouissance et pourrait y déposer le sperme fécondant. La femme l’envisage comme l’instrument même de la virilité. Dès lors, que cache cette inquiétude – “Est-il homosexuel ?” – si ce n’est la représentation que la femme se fait d’un homme qui ne lui apporte rien de ce qu’elle attend en priorité ?

Bien sûr, le désir masculin de sodomie – surtout lorsqu’il est récurrent, voire obsessionnel – peut rendre compte de ce désinvestissement du féminin ou de la peur qu’il génère. Cette pratique peut être la tentative de contourner, d’éviter la rencontre inquiétante avec le sexe féminin. Mais de là à conclure que cela révèle un désir homosexuel, ce serait une interprétation des plus sauvages. »