Comment supportiez-vous la violence physique qu’il vous infligeait ?

M.C. : En me mentant à moi-même. Au début j’avais honte de le laisser me frapper et j’ai commencé à nier ce qu’il me faisait subir avant de le dissimuler à mon entourage. Je suis devenue une experte en mensonge. Petit à petit je suis tombée dans une forme de schizophrénie, entre mon comportement dans le cadre intime de mon couple et celui que j’adoptais à l’extérieur : c’est une spirale, on se déconnecte de la réalité, on ne sait plus ce qui est acceptable ou non dans une relation. Ce qui est terrible c’est que l’on fait tout pour faire bonne figure : j’étais toujours dans la représentation face à notre entourage. Je devais d’ailleurs toujours être impeccable, il choisissait mes vêtements, mes tenues, j’étais sa marionnette.

Quel a été le déclic pour le quitter ?

M.C. : Déjà, physiquement, je n’arrivais plus à cacher mon mal-être. Je ne m’occupais absolument plus de moi, je n’avais plus goût à rien, même me laver représentait un effort. Un jour, ma mère, qui était venue me rendre visite en Italie, a senti mon mal-être et m’a répété que sa porte me serait toujours ouverte. Cette petite phrase a allumé une lueur en moi, j’ai compris que j’avais une porte de sortie. Puis a eu lieu quelques jours plus tard la dernière scène de violence, où mon mari a tenté de m’étrangler. Mes enfants ont été témoins de la scène pour la première et lorsque j’ai vu la souffrance dans les yeux de ma fille, cela a été un électrochoc. J’ai quand même cherché à sauver mon couple pendant quelques jours : mais toute communication était rompue. Je savais qu’il n’y avait que trois options pour moi : la folie, le suicide ou la fuite. Alors j’ai fui.

Comment se reconstruit-on après un tel drame conjugal ?

M.C. : J’étais complètement perdue, je me suis réfugiée chez mes parents, avec tout à recommencer. J’ai rencontré immédiatement un avocat, qui m’a conseillé de rejoindre des groupes de parole et c’est là que j’ai compris que ce que j’avais vécu était inacceptable. La rupture a été difficile, un pervers ne lâche pas facilement sa proie : larmes, promesses, appels, lettres, fleurs, supplications… Mais en parlant de son comportement, il n’a jamais accepté d’avouer sa violence, il a tout juste reconnu quelques « égarements » : j’ai compris qu’il n’était capable d’aucune remise en question ni empathie. Je suis par la suite allée voir plusieurs psychiatres et psychologues, mais également des pédopsychiatres pour mes enfants. Il y a eu un véritable travail à mener pour me désintoxiquer, me détacher de cet homme, réapprendre des comportements normaux.

L’écriture de ce livre avec Carole et Amélie a-t-il fait partie de la thérapie ?

M.C. : Assurément. Lorsque j’ai quitté mon mari, j’ai commencé à écrire, comme une thérapie. J’ai rencontré ensuite Amélie et Carole chez ma thérapeute et je leur ai proposé de mettre à plat nos histoires respectives. Au début on n’écrivait pas, on pleurait. Ça a été une thérapie, difficile mais salvatrice. Voir ce livre aujourd’hui édité, c’est ma réhabilitation en tant que femme et mère. Ce témoignage, c’est le point final de cette histoire.

« J’ai aimé un pervers », de Mathilde Cartel, Carole Richard, Amélie Rousset, Eyrolles, 15€