Au XIXe siècle et au début du XXe, le corps médiacl se déchaînait contre cette pratique, responsable, selon lui, de surdité précoce, de vertiges, voire d’arriération mentale chez les hommes, et conduisant à l’hystérie chez les femmes. Une hystérie que l’on soignait par l’emprisonnement avec camisole de force, l’excision chirurgicale, la cautérisation du clitoris au nitrate d’argent, méthode préconisée en 1886 par l’Académie de médecine elle-même. Aujourd’hui, le discours s’est quelque peu adouci, mais la masturbation reste le signe « d’un manque affectif ou, du moins, d’un manque de satisfactions sexuelles plus normales », selon l’avis médical, avec des contradictions qui illustrent bien l’embarras des médecins : « Le nouveau rapport Hite montre que, pour les femmes, la masturbation est le meilleur moyen d’atteindre l’orgasme, et elle en concernerait 85 %. La pénétration par l’homme, elle, ne marche qu’une fois sur trois… »

85 % de succès contre 33 %, n’est-ce pas suffisant pour la conseiller à toutes les femmes anorgasmiques ? Eh bien non, affirme le même avis médical : « Dans l’immense majorité des cas, la masturbation est normale et sans danger, sans qu’elle soit recommandable, car elle reste un plaisir solitaire et narcissique, piètre et triste substitut à une relation amoureuse sincère.» L’idée que relation amoureuse épanouie et masturbation puissent coexister semble impensable au corps médical. Comme d’ailleurs à beaucoup de femmes… « Mes patientes éprouvent de la gêne à aborder le sujet, confirme Gérard Leleu, médecin généraliste et thérapeute de couple. “Je n’ai pas besoin de ça, docteur, je suis mariée”, disent-elles. Elles ne jurent que par le bonheur à deux, la masturbation devenant une sous-sexualité réservée aux solitaires ou aux veuves. »