Un rendez-vous avec soi-même
Pour aimer, mieux vaut s’aimer soi-même, faute de quoi la relation risque de devenir une dépendance, une quête de réassurance, et non un échange. C’est ce que tente de faire comprendre Gérard Leleu, fort d’une trentaine d’années d’expérience clinique : « Il existe un lien évident entre la méconnaissance des femmes de leur corps et leur incapacité à jouir. Du coup, incapables de guider leur partenaire, elles en attendent passivement tout… et le rendent responsable quand le plaisir n’est pas au rendez-vous. Je leur conseille donc de se caresser seules, pour se découvrir tranquillement, puis de montrer à leur partenaire ce qu’elles aiment, en lui guidant la main. Pour les déculpabiliser, je leur explique que Dieu – ou la nature si elles ne sont pas croyantes – ne crée rien au hasard. Il n’aurait pas fabriqué le clitoris s’il ne souhaitait pas que l’on s’en serve. Je leur explique aussi qu’il est bon qu’elles explorent l’ensemble de leur corps, pour ne pas se limiter à la jouissance clitoridienne faute d’avoir osé se pénétrer avec les doigts. »
La masturbation donne un plaisir vif, rapide, presque à coup sûr. « On peut atteindre l’orgasme en même pas deux minutes, raconte Françoise, 43 ans. Il m’arrive parfois de le faire juste avant de m’endormir, et c’est fou ce que je passe une bonne nuit ! D’autres fois, je l’organise comme un rendez-vous avec moi : répondeur branché, musique sensuelle, livre érotique, rêveries… Je prends mon temps, je laisse le plaisir venir, s’éloigner, revenir, comme des vagues de plus en plus douces et chaudes, jusqu’au moment où tout m’échappe et où je jouis, à la fois tétanisée et tremblante. Quand je reviens à moi, je me sens neuve, détendue… Cela dit, c’est très différent de l’amour avec un partenaire. Ce n’est ni plus fort, ni moins fort, ni mieux, ni moins bien. C’est autre chose, et les deux peuvent – je dirais même doivent – coexister pour que l’on se sente totalement épanouie. »
Parfois, la masturbation permet aussi de mieux vivre les périodes difficiles dans un couple. « J’ai 66 ans, confie Geneviève. Mon mari est un peu plus âgé et a parfois du mal à répondre à mes désirs. Alors, plutôt que de lui en vouloir ou de lui demander de prendre des médicaments, il m’arrive de me caresser en lisant un livre érotique ou devant un film. Ça me rend ma bonne humeur et ça ne fait de mal à personne. Je vous le dis à vous, mais je n’irais pas en parler à mes voisines… » Interviews réalisées par téléphone, demandes d’anonymat… : les quelques femmes qui ont accepté de parler l’ont fait avec beaucoup de pudeur. « Dire : “Je me masturbe, mais je n’ai pas envie de dire comment”, c’est affirmer, avec raison, le besoin d’intimité dans cette rencontre avec soi-même, reconnaît Serge Tisseron. Le secret préserve simplement le mystère. »