Jusqu’à une époque très récente, la science était entre les mains des hommes, ce qui les laissait seuls à s’exprimer sur la sexualité féminine. Le plus souvent convaincus d’emblée de leur supériorité (sur ce terrain-là comme ailleurs), le discours a été biaisé d’entrée, notamment par Sigmund Freud. Ce dernier partait du principe qu’il existait deux jouissances chez la femme, une jouissance « infantile » la clitoridienne, et une autre, « mature », la vaginale, qui dans les deux cas auraient été déficientes : « le plus fort motif d’éloignement de la mère qui émerge c’est qu’elle n’a pas donné à l’enfant un vrai organe génital, c’est-à-dire qu’elle l’a fait naître femme ».
De sa longue amitié amoureuse avec Marie Bonaparte, il aura entendu l’importance qu’elle attachait au clitoris, elle qui avait eu l’intuition du rôle de cet organe, elle qui est allée jusqu’à se faire opérer, pensant qu’un clitoris très près du vagin était la bonne solution pour atteindre l’orgasme vaginal. Freud, au-delà de sa misogynie, avait bien noté l’importance du clitoris : « Un homme n’a en somme qu’une seule zone génitale prédominante, un organe sexuel, tandis que la femme en possède deux : le vagin qui est proprement féminin et le clitoris analogue au membre viril. »
Et de fait, l’orgasme s’obtient par la sollicitation directe ou indirecte du clitoris, semblable en cela à l’homme qui atteint l’orgasme par une sollicitation du pénis.
Les chiffres s’accordent à dire que seules 30% des femmes ont des orgasmes vaginaux. Pour toutes les autres femmes (en dehors des 10% qui ne l’atteignent pas), la jouissance passe par le clitoris, la seule pénétration du phallus ne suffisant pas à atteindre l’orgasme, ce qui ne remet aucunement en cause la manière dont les hommes nous font l’amour. Le clitoris, qui possède 16 000 terminaisons nerveuses (deux fois plus que le pénis), est la seule partie du corps humain qui n’a pas d’autre fonction que de procurer du désir, et les spasmes que nous ressentons au moment de l’orgasme, cette contraction du vagin (voir même de l’utérus), est initiée par le clitoris, qui encercle le vagin, lequel est peu innervé.
Résumons : dans 60 ou 70% des cas, la femme obtient un orgasme si, pénétrée, elle ou son partenaire stimule également son clitoris (ce qui aura aussi pour effet d’augmenter significativement la lubrification). Les hommes, excités par la masturbation féminine, ne souffriront pas de cette « aide » manuelle, et la langue française est bien faite : on parle bien « d’aller chercher son plaisir ». Ensuite, comment reconnaître cet orgasme ? Le clitoris durcit, tout comme la pointe des seins, la respiration devient plus rapide, la pointe des pieds se tend, mais dans ce point de non-retour, c’est l’insertion d’un doigt dans le vagin qui confirme le plus aisément l’orgasme : on sent quelques spasmes (en général de l’ordre de trois à cinq) et il devient insupportable de toucher le clitoris, devenu hypersensible. Suit une période courte dite réfractaire, où il est impossible de bouger et où se diffuse alors dans tout le corps une sensation de bien-être absolu.
On ne le répétera jamais assez : c’est le clitoris qui est l’avenir de la femme.