Comment se présente le « schéma » classique du pervers narcissique ?
Au fondement des relations perverses, il y a l’angoisse d’abandon à la fois chez la personne qui emploie des mécanismes pervers, mais aussi chez sa victime. Il y a d’abord une phase de séduction qui passe par les mots, où on promet tout et n’importe quoi, et après, très délicatement, très doucement, on glisse vers quelque chose de pervers : c’est l’autre qui est menacé d’être abandonné. Là encore, il y a ce mécanisme de projection : j’ai peur d’être abandonné -> je te menace de t’abandonner. A ce moment-là, par réflexe, la victime s’accroche. Et cela va très très bien à la personnalité perverse. La perversion narcissique consiste à embobiner quelqu’un pour l’empêcher de partir tout en lui disant : « Attention, je vais te mettre dehors ». C’est pour lui faire vivre l’angoisse que lui-même ressent.
Dans Mon Roi, le pervers narcissique dit « Je t’aime » dès la première nuit et veut ardemment un enfant. Est-ce symptomatique ?
Oui. Dire « je t’aime » trop vite, c’est ne pas appartenir à la réalité : on projette un fantasme dans l’autre. On l’a tous plus ou moins fait : on vit une rupture difficile, on tourne la page, on rencontre quelqu’un et sur ce quelqu’un, vous projetez l’amour de celui que vous avez perdu. En réalité, vous n’êtes pas vraiment amoureux. Cela vous fait juste du bien de dire « Je t’aime ». Cela arrive à tout le monde, ce n’est pas extrêmement pervers.
Quant au désir d’enfant, une personnalité qui entretient des mécanismes de pervers narcissique est quelqu’un qui est dans l’angoisse de l’abandon. Elle va donc tout faire pour mettre en place des liens difficiles voire impossibles à rompre. Cela peut donc être un enfant, de l’argent qu’il va vous emprunter et ne vous rendra pas… Pas parce qu’il veut vous voler mais parce qu’il veut garder le lien. Tant qu’il y a cette dette, tant qu’il y a cet enfant, on est obligé de communiquer. Et si vous partez, il y a la rupture et en plus, la perte de l’argent et éventuellement la perte de l’enfant. D’ailleurs, il y a des hommes qui finissent par ne plus voir leurs propres enfants.
Quelle est la différence entre un pervers narcissique et un phobique de l’engagement ?
On peut être phobique de l’engagement sans tenter de détruire l’autre ! Le phobique de l’engagement peut partir à la première occasion, c’est une forme d’hystérie, mais on n’est pas dans le champ de la perversion.
Est-ce le pervers narcissique qui prend la décision de quitter l’autre ?
La rupture vient rarement du pervers narcissique, même si cela arrive. C’est le cas quand il se sent démasqué, quand l’autre lui dit : » Ça va, j’ai compris ton fonctionnement, je vais commencer à le faire savoir… « . La victime ne reste intéressante tant qu’elle ne met pas en danger son pervers. Mais à partir du moment où elle a compris ce qu’il se passait, l’autre va se trouver une nouvelle victime plus confortable et partir. Pour rejouer la même chose, bien sûr. Au final, le pervers narcissique est un quelqu’un qui planque une dépression et qu’il ne veut pas voir en face. Car pour guérir d’une dépression, il faut déjà commencer à l’accepter. Et comme il ne l’accepte pas, il a tendance à projeter sa dépression dans l’autre et à le rendre à son tour dépressif.