En quoi la rupture amoureuse est-elle particulièrement dévastatrice pour la victime ?
La leçon à recevoir, c’est que lui non plus n’est pas tout-puissant. C’est ce que Freud appelait la castration. A un moment donné, il faut l’accepter et s’en aller. Même si le fait de partir peut amener l’autre à une forme de décompensation. Peut-être qu’il va tomber malade parce qu’on est parti(e), mais ce n’est pas notre responsabilité : il était déjà malade avant nous. Ça, c’est dévastateur.Quant au pervers, est-ce que ce n’est pas ce qui peut lui arriver de mieux, de se retourner face à sa pathologie ? Finalement, cela pose la question de la compassion : l’amour ne consiste pas à dire à l’autre : ‘Continue à être ce que tu es, ça marche’. Quand on part, il faut lui dire que ça ne marche pas. Tant qu’on reste, on lui envoie le signal que ça marche très bien et qu’il peut continuer.
Comment aider un proche qui est embourbé dans ce type de relation ?
C’est extrêmement difficile sinon impossible. C’est une question qu’on me pose très souvent. C’est le choix de notre enfant, de notre amie, de notre parent d’être aux côtés d’un pervers narcissique. De quel droit les en empêcher ? La seule chose qui fâche, c’est que l’un des mécanismes que met en place le pervers est l’isolement de sa victime. Il va lui expliquer que ses amis ne valent rien, que ses parents ne valent rien ou pire, dans les cas les plus graves, il les séduit et les amis ou la famille de la victime se retournent contre elle et prennent parti pour le pervers…
Ce qu’on peut faire, c’est dire à son amie ou à son parent : « J’ai remarqué qu’on se voyait beaucoup moins maintenant, je respecte mais sache que ma porte t’est ouverte ». Le plus beau cadeau qu’on puisse lui faire, c’est d’aller bien soi-même, prendre soin de soi et prendre soin des autres. Si la victime voit qu’elle vit un truc abominable et que vous êtes épanouie et qu’en plus, vous lui dites que vous êtes là pour elle, elle finira peut-être par revenir à vos côtés. Et vous serez là pour l’accueillir. Mais lui dire : « Tu es avec un pervers », ça ne marche pas. Cela renvoie à nos relations d’adolescent lorsque nos parents nous interdisaient de fréquenter untel ou untel. Cela nous en rapprochait même plus.
Le pervers narcissique peut-il aimer un jour ?
Malheureusement pour lui, il a une structure psychique qui l’en empêche. Je ne crois pas donc qu’il soit capable d’aimer. Il faudrait qu’il arrive à évoluer. Et la seule façon dont il pourrait évoluer, ce serait d’être quitté, de se retrouver face à sa dépression (car oui, c’est bien une dépression qu’il planque), et à ce moment-là, envisager de se soigner. Mais je ne connais pas de cas.Le pervers narcissique a-t-il conscience d’être un pervers narcissique ?
Il ne peut pas en avoir conscience. Cela serait insupportable pour lui. Il ne supporte pas l’idée de la culpabilité. Donc il ne PEUT pas être coupable. Celui qui va mal, c’est toujours l’autre. Et l’autre, dans ce cas, devient son médicament. Car c’est parce qu’il fait porter à l’autre ses propres travers que lui va bien.
Au final, le pervers narcissique est-il lui aussi une « victime » ?
Oui, il est victime de ses schémas. Mais contrairement à la victime, il ne cherche pas à en sortir. Finalement, c’est confortable pour lui.