Le charisme, est-ce le summum de la séduction, ou relève-t-il d’une autre nature ?
C’est différent. Le charisme passe essentiellement par le discours, les mots. La personnalité charismatique peut être un monstre comme Hitler, ou un grand psychanalyste, tels Jacques Lacan ou Françoise Dolto. Ceux qui en sont dotés ont en commun de posséder une libido du moi – un narcissisme – très développée qui les rend particulièrement sûrs d’eux. Ils irradient. D’une certaine façon, ils hypnotisent. S’ils fascinent tant, c’est qu’en s’adressant à leur auditoire, ils font passer une énergie qui galvanise et donne à chacun l’impression d’appartenir à une élite. Et c’est là qu’ils peuvent être dangereux : ils divisent. D’un côté, les bons ; de l’autre, les méchants. Nicolas Sarkozy a beau essayer de séduire la France entière, il n’est pas charismatique. Il tente désespérément de plaire à tout le monde, tout le temps. Et il n’est pas sûr d’y parvenir. C’est d’ailleurs un enfant du milieu, coincé entre deux frères.
A l’ère de la postséduction
Le dernier essai de Gisèle Harrus-Révidi est d’abord un constat nostalgique. Où se sont-elles donc enfuies, ces vierges effarouchées qui fascinaient nos aïeux ? Et la mythique séduction du corps féminin, dévoilé juste ce qu’il faut pour exciter l’imagination ? Les mystères n’ont plus la cote. « Plaire aujourd’hui signifie ressembler à ces mannequins aux corps transparents qui s’étalent sur les murs, avec leurs seins siliconés et leurs fesses revues par la chirurgie plastique », déplore la psychanalyste. Le Don Giovanni de Mozart préférait mourir que renoncer à séduire, expression de sa liberté souveraine. Michel Houellebecq, lui, proclame jusqu’à la nausée son horreur du corps sexué et tente de nous convaincre que « séduction » est un mot grossier.
Aux antipodes du Journal du séducteur du philosophe Kierkegaard, et de son exquise cruauté, La Vie sexuelle de Catherine M., de l’écrivaine Catherine Millet qui s’exhibe sans rien dissimuler, et nous fait entendre que l’homme, pour elle, n’existe que par ses organes génitaux. Branchés sur Internet, nous consommons de la relation, transformant l’autre en objet. Le consumérisme ambiant va-t-il anéantir le langage de la séduction ? Certes pas, assure l’auteure. Mais la séduction du XXIe siècle reste à inventer !