Cette semaine, Sophie Bramly nous parle des peurs des hommes et de certaines conduites étranges adoptées par certains lorsqu’ils se sentent menacés. Édifiant.
On ne dira jamais assez à quel point les périodes de crise sont défavorables aux femmes. On évoque souvent la précarité des emplois, l’écart des salaires pour ce qui touche à l’emploi, et, concernant la vie privée, la perte de libertés (l’Espagne réfléchit de nouveau à interdire l’avortement, tout comme certains États d’Amérique du Nord, par exemple) on parle moins souvent de l’autre côté de la médaille : les peurs des hommes, lesquelles engendrent ces prises de décisions régressives.
Deux faits récents peuvent suffire à en faire la démonstration. La quatrième compagnie d’aviation européenne, Turkish Airlines, vient de prendre la décision d’interdire au personnel féminin l’usage de rouges à lèvres et de vernis à ongles dans des tons trop vifs, pour ne pas « gâcher l’intégrité visuelle » (M Magazine du 3 mai dernier).
L’histoire du rouge à lèvres raconte très bien l’ambivalence du regard des hommes sur les femmes. Il a été inventé au Moyen-Orient 3 500 ans avant Jésus-Christ, et la reine sumérienne Schub-ad a été la première à le porter. Cléopâtre avait développé un ton de rouge qui lui était propre.
L’usage à cette époque était surtout affaire de caste, il était réservé aux hommes et aux femmes de classes sociales aisées, l’élégance voulait que les morts soient enterrés avec les lèvres peintes. Dès la Grèce antique, les modes et opinions ont commencé à diverger, et la période a alterné les usages : il a été tantôt réservé aux prostituées, tantôt aux gens aisés. Certains y ont mis une démesure qui dépasse l’imagination : la femme de Néron avait plus de cent intendants pour veiller à la perfection de la carnation de ses lèvres. Au Moyen-Âge, l’Église associait l’usage du rouge à lèvres au satanisme.