La nostalgie du premier amour

C’est pourquoi l’autre nous est si familier.  » C’est comme si on se connaissait depuis toujours !  » s’étonnent les cœurs transis.  » Téléguidé  » par un présavoir venu tout droit de ses premières expériences infantiles, chacun a dans la tête un fantasme précis qui va orienter sa quête de l’alter ego.  » Ce n’est pas sans raison si l’enfant au sein de la mère est le prototype de toute relation amoureuse, souligne le psychanalyste Christian David. Tout le monde porte en lui la nostalgie du premier amour, idéalisé, comblant, princeps, l’amour maternel.

 » Hommes ou femmes, nous avons tous tendance à reproduire – ou, à l’inverse, à gommer – cette relation affective archaïque, empreinte indélébile. Pourquoi Stéphanie a-t-elle flashé sur Christian ?  » Ce qui m’a vraiment fait craquer, ce sont ses talents de cuisinier. J’adore déguster les petits plats qu’il me prépare amoureusement. Quand j’arrive chez lui, ça sent bon, il me dorlote. Dans ses bras, je me sens protégée, en sécurité.  »

Miroir, suis-je ce que je rêve d’être ?

Aujourd’hui, note Jean-Georges Lemaire, la rencontre amoureuse est surinvestie, on la souhaite parfaite, idéale. Voilà sans doute pourquoi la  » collusion inconsciente narcissique  » est devenue la plus fréquente dans les choix amoureux. On cherche un être qui ressemble à ce que l’on pense être ou à ce que l’on voudrait être, qui est ou qui a  » tout ce dont on rêvait « . Bref, un faire-valoir, un miroir qui renvoie une image positive de soi-même. C’est ce qu’a éprouvé Virginie quand elle a croisé Lorenzo :  » Il était merveilleux, riche, sûr de lui, gai. Il possédait tout ce que j’aurais aimé avoir, une famille, le père et la mère dont j’ai toujours rêvé, moi, enfant de la Dass. Son amour m’a aidée à croire en moi. Je me suis dit : puisqu’un homme aussi génial m’aime, c’est que je ne suis pas si tarte que ça.  »

Selon J.-G. Lemaire, l’idéalisation est le fondement de l’amour :  » Il n’y a guère de rencontre amoureuse sans cette forme de surévaluation du partenaire, sans cette euphorie annulatrice d’anxiété. Si l’objet est totalement bon, le sujet aussi est heureux et tout-puissant.  » Cette phase qui s’appuie sur le clivage et le déni de la réalité, à la limite du  » pathologique « , fait peur à tous les frileux qui redoutent la fusion et diabolisent la passion. Ils ne supportent pas de perdre la maîtrise de leurs émotions, mais ils ont tort, précise Alberto Eiguer, psychothérapeute de couple, car cet élan passionnel est une victoire de la libido, une dynamique d’Eros  » pour la vie contre la mort, pour la fusion contre la séparation, pour le plaisir contre la souffrance  » (Clinique psychanalytique du couple). Toute rencontre amoureuse tend à la fusion avec l’autre. Comme le rappelle Freud, aux prémisses de l’état amoureux, la démarcation entre moi et l’objet tend à s’effacer. Toi et moi ne font qu’un.