UN DIALOGUE SURRÉALISTE
Tout à coup, j’ai entendu des hurlements terribles et j’ai vu débouler des Vikings casqués avec des épées. Ça criait, ça galopait, certains tentaient de se battre. J’ai eu une trouille bleue et je me suis mise à courir. Sauf que, avec mes sabots, je me suis cassé la figure. Un mec m’a attrapée par le pied et m’a jetée sur son épaule, à moitié ligotée. Peu de temps après, j’étais dans un bois avec une cinquantaine de Vikings et leur butin : des « paysans » hirsutes, attachés les uns aux autres.
Do aussi était là. « C’est super, non ? – Mais t’es folle ? J’ai froid, j’ai peur, j’ai faim, et je ne sais pas où on va dormir », ai-je répondu. Les Vikings ont célébré leur « victoire » autour d’un feu en buvant de l’hydromel, en chantant « Il est des nôtres » (ce n’est pas très scandinave) et en faisant rôtir des cochons de lait. Ça ressemblait à un mix sous amphétamines d’un banquet d’Astérix et d’un mini-Puy du Fou. Vers 22 heures, ils nous ont distribué des couvertures. J’ai demandé : « Quand peut-on rentrer à l’hôtel ? » Un Viking a explosé de rire. « Je veux voir votre responsable ! » ai-je hurlé. « Très bien, tu vas voir Asulf. »
Je me suis retrouvée devant le chef, assis sur une sorte de trône, devant le feu. C’était un grand brun aux yeux bleus, avec une barbe de hipster. S’est ensuivi un dialogue surréaliste : « Que veux-tu, femme ? – Je veux rentrer chez moi. – Dorénavant, tu es chez toi avec les Vikings, et ton nom sera Sigrid. – Vous êtes tous cinglés ? Je m’appelle Éve, et je suis fatiguée de vos idioties. J’exige qu’on me ramène à la gare. – Tu seras ma quatrième ́épouse », a-t-il conclu, caressant mes (faux) cheveux. Je me suis reculée et une tresse lui est restée dans la main. Ils ont tous hurlé de rire. Et moi et ma tresse, on nous a ramenées chez les prisonniers. J’ai pleuré, enroulée dans ma couverture. Près de moi, Do répétait : «C’est super de dormir à la belle étoile. Regarde, on voit la Croix du Sud. » Avant de sombrer, j’ai juste eu le courage de lui dire : « C’est la Grande Ourse, patate.»
Au petit matin, on a célébré notre « mariage ». « Ça fait comme une répétition », disait Do, folle de joie. J’étais pieds nus sur une plage, une couronne de fleurs sur la tête. Â mes côtés, le fameux Asulf. Un druide nous a aspergés d’hydromel, juste avant qu’Asulf ne me tende un anneau. J’étais tellement stressée que je l’ai fait tomber dans le sable. À quatre pattes, Do et moi, on a retrouvé la bague.
Asulf me l’a passée au doigt. Puis tout le monde a applaudi ! Peu après, le GN a pris fin. Je me suis mise à l’écart. Était-ce un cauchemar ? Ma robe qui grattait et mes pieds mouillés me prouvaient que non. Une voix a demandé : « Tout va bien, femme ? » Asulf rigolait près de moi. « Je suis désolé pour hier », a-t-il ajouté.
« La première fois, c’est toujours étrange, un GN. » Asulf s’est présenté : « Je m’appelle Hector, je suis chilien et je fais un doctorat de mathématiques à Paris. Tu veux du café ? » Il m’a expliqué qu’il avait 26 ans, qu’il faisait des GN depuis une dizaine d’années. On a parlé jusqu’à ce que Do arrive en disant : « Ginette est prête.» J’ai réalisé qu’il était déjà 14 heures. Hector et moi avions discuté près de trois heures. Dans la voiture, je suis restée silencieuse. Je me sentais bizarre.