« UNE ENGUEULADE POUR VÉRIFIER LES SENTIMENTS »

Réveiller ses sentiments pour l’autre en commençant par le sentiment colérique, c’est la technique de plus d’une d’entre nous. Barbara, 38 ans, se souvient : « Après sept années vécues avec Ludovic, il y a des tas de choses que j’aimais chez lui mais que je n’aime plus, et inversement, sans que cela remette en cause le choix initial. L’amour est une matière vivante. Pour moi, la colère, la joie, l’agacement sont des moyens pour l’alimenter. Les excès, les moments de “haine” font que la relation ne se dessèche pas : l’amour se nourrit aussi du désamour. Est-ce que j’aurais envie de rester avec quelqu’un qui ne me ferait jamais réagir ni ne m’agacerait ? Non. Est-ce que j’ai envie d’être contente de mon mari ? Non. J’ai envie d’être contente de ma femme de ménage, ça oui. L’amour, c’est autre chose qu’un service. Plusieurs fois par an, après quinze jours où je ne peux plus l’encadrer, je provoque une engueulade pour vérifier les sentiments que j’ai pour lui et ceux qu’il a pour moi. »

TOUS LES AMOUREUX SONT PASSÉS PAR LÀ

N’empêche, « désaimer », que ce soit pour deux jours ou deux semaines, est souvent source d’inquiétude, de doute et de tristesse. La première chose à faire est donc de se dire que tous les amoureux en sont passés par là. Si ce n’est pas une consolation, cela rassure. Ensuite il faut se poser les bonnes questions. Y a-t-il quelque chose que je n’ose pas exprimer ? Est-ce que ce n’est pas moi que je n’aime pas ?

« Croyez-vous que les personnes qui vivent seules se lèvent toujours de bonne humeur et sont prêtes à manger la vie à pleines dents ? C’est ce que je demande à mes patientes lorsqu’elles arrivent dans mon cabinet en exprimant une lassitude générale qu’elles mettent sur le compte de leur couple, raconte Rose-Marie Charest. Les célibataires aussi ont leurs passages à vide ! Il y a des périodes où l’on ne se sent pas capable d’aimer, parce qu’on ne s’aime pas soi-même. Il faut alors s’interroger : “Est-ce avec lui ou avec moi que j’ai du mal ?” » On se lève un matin et on se trouve moins jeune, moins belle. Alors, le garçon à côté de nous, comme par hasard, on ne le trouve plus aussi aimable et désirable. Dès le réveil, quelque chose en lui s’avère insupportable : par exemple boire son thé suivi d’un café en faisant semblant d’écouter France Inter (pour Anne, 35 ans, en couple depuis cinq ans). Du coup, on remet tout en question et on évalue son histoire d’amour comme une marchandise, ou presque. Sybille, 32 ans, a failli en faire les frais. « L’année dernière, j’ai été maltraitée au bureau. Résultat : je me suis mise à trouver l’ensemble de ma vie minable. Je ne supportais plus ni l’appartement, ni le chat, ni le fiancé ! Si ma mère ne m’avait pas mise en garde – en me disant de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! –, je crois que j’aurais tout largué, Vincent en premier ! »

LES HOMMES DOUTENT-ILS DE LEURS SENTIMENTS ?

Et les maris et les fiancés justement, dans tout ça ? Leur arrive-t-il de douter de leurs sentiments pour nous ? Rarement, d’après notre spécialiste. « C’est assez féminin d’ausculter son couple en permanence. Peu d’hommes viennent consulter en disant : “Je me pose des questions.” Contrairement à nous, ils sont prêts à vivre une relation où le sentiment amoureux serait affaibli. Alors que, pour les femmes, le sentiment amoureux est la condition sine qua non. Au risque d’agacer, je rappelle que cette volonté de l’amour intense est infantile. L’amour ne peut être évalué en termes de performances et de bilan de compétences ! Il faut faire confiance à la force du lien et à sa longévité, en le réinscrivant dans le temps… » Autrement dit, une histoire d’amour n’est pas égale à la somme des événements positifs et négatifs vécus ensemble. Un sentiment d’amour ne se résume pas à l’équilibre des qualités et des défauts de l’autre : il faut que ça bouge, que ça évolue. C’est compliqué à vivre, mais passionnant. Quoi qu’en disent les contes de fées.