Diffusée au début du mois d’août, l’émission de France 2 Dans les yeux d’Olivier s’intéressait au cas des pervers narcissiques et manipulateurs en tous genres. La chercheuse Yvane Wiart, spécialiste du sujet, décrypte les cas présentés dans le programme télé.

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Pervers narcissique, manipulateur, terroriste psychique, les mots font peur et après avoir vu l’émission Dans les yeux d’Olivier, titrée Sous l’emprise d’un manipulateur, on n’est nullement rassuré de découvrir que n’importe qui en apparence, même une personne brillante et cultivée, est susceptible de se faire piéger par de tels monstres et d’en voir sa vie totalement ravagée. Mais est-ce vraiment n’importe qui, est-ce vraiment n’importe quand, et insister sur l’impuissance à leur échapper ne revient-il pas à les rendre encore plus terrifiants et à leur donner plus de pouvoir qu’ils n’en ont réellement?

Témoignages et experts

L’émission regroupe quatre ensembles de témoignages. D’abord, celui des certains reclus de Monflanquin, membres d’une famille de notables, « séquestrée » par un escroc qui s’est approprié leurs biens dans une manipulation d’envergure. Suit le récit de Magali, dont la mère s’est érigée gourou d’une secte où elle l’a embrigadée d’office, puis celui de Sophie, piégée par son compagnon, pervers au double visage, ange et démon tour à tour. Enfin, on découvre l’histoire d’Anne qui a fait confiance à une psychanalyste, qui se mue bientôt en guide sectaire sous le nom de « Vierge de l’Apocalypse ».

Plusieurs spécialistes de l’emprise interviennent aussi dans l’émission, tentant de répondre aux interrogations d’Olivier, qui ne comprend pas comment on peut se retrouver ainsi piégé, comment on peut perdre un jour toute volonté personnelle, toute lucidité, pour s’en remettre à autrui tout en acceptant sa violence. Le cas qui m’a le plus frappée dans ce contexte, en tant que spécialiste du couple et auteur de Petites violences ordinaires: la violence psychologique en famille, est celui de Sophie et l’analyse qui en est faite par Chantal Paoli-Texier.

Le double visage de la violence

Celle-ci souligne que le pervers narcissique ne s’en prend pas, comme on pourrait le croire, à une « femme fragile, vulnérable », mais à quelqu’un qui a « du répondant » parce que ce qui l’intéresse surtout, c’est de « briser » sa proie. Elle indique que les victimes privilégiées de ces prédateurs sont des personnes tournées vers autrui, professeur, infirmière, médecin, avocat, juge, etc., à l’écoute de l’autre, qui vont l’excuser, essayer de le comprendre, de le réparer. Sophie, elle, avait pour métier « d’aider les autres à se reconstruire », une psy peut-être?Chantal Paoli-Texier insiste aussi sur la complicité de l’entourage qui permet au despote d’asseoir son terrorisme parce que personne ne veut rien voir, rien entendre, ni rien dire.

C’est là passer un peu rapidement à mon sens, sur une des caractéristiques majeures de l’adepte de violence psychologique, comme je préfère l’appeler, à savoir son double visage, homme (ou femme) idéal(e) en public et tortionnaire en privé, ou encore se déclarant victime du déséquilibre mental de l’autre, capable d’apporter des preuves en ce sens aux témoins extérieurs, généralement loin de se douter que le comportement « étrange » de la vraie victime est le fruit d’un harcèlement et d’une terreur continus. Comment le pourraient-ils, puisque la victime réelle s’y perd elle-même, oscillant entre « pétage de plomb », déprime, voire pensées suicidaires, donnant l’image de quelqu’un de fou, comme le confirme l’amie de Sophie.