La réponse de Jean-Didier Vincent, membre de l’Académie nationale de médecine.se-passe-t-cerveau-amoureux

Il est de bon ton d’opposer l’amour, qui est de l’ordre du sentiment, et le sexe, qui se résume dans l’acte charnel. Ce dualisme ne tient pas la route. L’amour est toujours une affaire de désir et ce dernier a toujours son siège dans le cerveau. Nous sentons avant d’agir et l’affect qui vient du corps précède l’acte dicté par la force impérieuse du désir. Ce n’est donc pas dans le cœur, qui n’est qu’un exécutant, que s’accomplit l’amour (c’est-à-dire le sexe), mais dans cet organe où se rassemblent les perceptions et les décisions: le cerveau. C’est un cerveau que les amoureux devraient graver dans l’écorce des arbres et non un cœur. C’est encore dans le cerveau que naissent la jouissance mais aussi la souffrance, qui sont les acolytes du désir.

Tout se passe dans la partie basse du cerveau, une région en forme d’entonnoir qu’on appelle l’hypothalamus; elle a à peu près la taille d’un ongle et rassemble en son sein les centres de commandes des grandes fonctions du corps: reproduction, régulation de la prise alimentaire et de la soif, contrôle du poids, maintien constant de la température de l’organisme et enfin sommeil. Elle est de plus traversée par les voies nerveuses du plaisir et de la souffrance, les systèmes qui font naître le désir et l’entretiennent. Bref, dans cette «cave» du cerveau se trouve tout ce qui est nécessaire à l’entretien de la vie.

Cet hypothalamus n’est pas seulement l’espace étroit où s’entassent les centres nerveux de ces fameuses fonctions; c’est aussi une glande qui déverse ses produits des sécrétions dans la circulation sanguine destinée à irriguer l’hypophyse, glande importante puisqu’elle commande toutes les autres grâce à ses hormones appelées stimulines. Celles-ci à leur tour dirigent la sécrétion des hormones sexuelles. Cette cascade de commandements rappelle l’armée, avec le général hypothalamus, les officiers hypophysaires et les soldats gonadiques. En retour, ces hormones agissent sur leurs cellules émettrices pour les freiner ou pour les stimuler; ce que l’on appelle des rétroactions (ou feedbacks).

Au moment de la puberté, il y a un signal chimique dans l’hypothalamus qui déclenche une tempête hormonale. On sait aujourd’hui que c’est une molécule peptidique (une petite protéine), le kiss-peptide, qui entraîne le rythme accéléré de la lulibérine qui, à son tour, provoque la libération massive des hormones sexuelles (progestérone et œstradiol chez la femme, testostérone chez l’homme) rendant les jeunes aptes à la reproduction. Quant au kiss-peptide, une hormone du corps sécrétée par les cellules graisseuses, la leptine, déclenche sa sécrétion. Cela explique que l’âge de la puberté soit relié à la masse graisseuse. On observe que les filles un peu enveloppées ont été réglées plus tôt. Bien complexe l’horlogerie qui contrôle les hormones sexuelles!