Le poids de la honte

De nombreuses femmes ont répondu à notre appel à témoins. Toutes disent la gêne terrible qui accompagnait les premières fois. « Sale », « dégradant » sont des mots qui reviennent souvent. D’abord, parce que le manque d’information est tel qu’elles ont toutes cru qu’elles urinaient. Ensuite, parce que « ce jaillissement renvoie à une sexualité libérée, brute, presque animale, observe Alain Héril. Cette hypersexualité peut faire peur. Plus ou moins consciemment, ces femmes craignent que ce flux ne s’arrête jamais ». Au mieux, elles n’en parlent à personne et renforcent par là même le tabou qui les entoure. Au pire, « elles retiennent tout, et peuvent alors ne plus ressentir le moindre ­plaisir », déplore Sylvain Mimoun.

Les femmes peuvent retenir ce liquide, ou en provoquer l’expulsion. « C’est toujours cette question de lâcher-prise qui reste la clé du plaisir, note Alain Héril. Chez ces femmes, à un moment donné, il y a quelque chose qui lâche, dans tous les sens du terme. » Pourquoi elles et pas d’autres ? Il est toujours difficile de le savoir, tant cela renvoie à l’histoire de chacune. « Certaines, moins sensibles aux tabous, acceptent mieux cette part de sauvagerie ; d’autres iront même inconsciemment la rechercher ; d’autres encore, plus phalliques, aimeront pouvoir manifester leur plaisir “comme un homme” », résume le sexothérapeute. Les témoignages se ressemblent toujours sur un point : la première fois, c’est arrivé par surprise. Parce qu’elles étaient plus amoureuses, ou plus en confiance. Parce que « quelque chose » s’est passé, qui a à voir avec la magie d’une rencontre. Le hasard, en somme. « Le lâcher-prise ne se décrète pas, insiste Alain Héril. Le rechercher reste une forme de contrôle. Or le plaisir ne se contrôle pas. »