Le jaloux maladif est un scénariste hors pair. Prisonnier d’une mauvaise série, il se voit dans la peau de l’antihéros trahi par son conjoint et un tiers, et filme en plan serré les comportements de ses partenaires comme autant d’indices du crime dont il sera la victime. Les autres acteurs ont beau se justifier, donner la preuve de leur innocence, lui n’entend rien, obsédé par ces images de tromperie.
Catherine se souvient : « Tous les soirs, j’attendais qu’il ait le dos tourné pour faire ses poches. Un nouveau stylo, une carte de visite, un nom illisible écrit sur une page d’agenda, n’importe quoi : je ne pouvais pas m’empêcher de considérer chaque objet trouvé comme une preuve de trahison. Et, tous les matins, je l’observais avec minutie : le moindre petit changement, le moindre effort particulier pour être séduisant, et j’étais intimement convaincu qu’il allait passer la journée avec une autre. »
Une forme de paranoïa
« La jalousie relève d’une forme de paranoïa, explique Alain Krotenberg, psychiatre spécialiste de la thérapie comportementale et cognitive (auteur de L’Envie d’aller mieux, avec Luc Patry, Payot, 2001). Or, le paranoïaque n’a, par définition, jamais tort ; s’il est persuadé que sa femme veut le tromper, rien ne pourra l’ébranler. » A moins que sa souffrance, devenue trop forte et difficilement soutenable, ne l’incite à consulter. C’est alors au thérapeute de lui faire prendre conscience du degré pathologique de sa jalousie.
« Dans un premier temps, je demande à la personne jalouse de noter régulièrement à quel rythme et avec quelle intensité se manifeste sa souffrance avant, pendant et après ses crises de jalousie », explique Alain Krotenberg. C’est la partie dite cognitive. Le thérapeute propose ensuite un jeu de rôles : « Le patient se met dans la peau de sa “victime”, moi dans la sienne, puis nous inversons. » Cette approche comportementale permet au jaloux de prendre conscience de ce qu’il y a d’excessif dans sa manière d’agir et de raisonner. Les proches peuvent prendre part à la thérapie en participant à ces jeux de rôles.
Pour autant, aucun conjoint n’a, seul, les moyens d’aider le jaloux à sortir de son schéma obsessionnel. L’inquiétude de celui-ci demeure, incontrôlable, obsédante et, surtout, croissante : « On commence par lui jurer qu’on l’aime, qu’aucun autre ne peut nous attirer, mais ça ne suffit pas. » Après avoir elle-même suivi une psychothérapie, Patricia, 39 ans, a fini par divorcer de son mari trop jaloux. « Pour éviter les disputes, j’avais fini par rompre avec tous mes amis et par quitter mon travail, jusqu’au jour où je me suis retrouvée chez moi, à ne plus rien oser faire et à déprimer. »
« Et même quand la victime du jaloux finit, enfermée, par ne plus voir personne, il arrive que l’autre devienne jaloux même de ses pensées et se dise : “Elle n’a pas l’air heureuse avec moi, elle pense forcément à un autre !” », ajoute Violaine-Patricia Galbert, thérapeute de couple. Pour se débarrasser de ces mauvaises pensées – les spécialistes parlent de « distorsions cognitives » –, le jaloux doit d’abord comprendre ce qui se cache derrière celles-ci. C’est ce que certaines thérapies, et notamment la psychanalyse, s’attachent à révéler en s’intéressant au passé du jaloux. « Le rapport à la mère étant un rapport amoureux que l’enfant ne veut pas partager, la jalousie amoureuse n’est jamais qu’une réminiscence de cette relation vécue dans l’enfance », explique Denise Lachaud, psychanalyste.