« ON SAIT QU’ON NE S’EST PAS CHOISIS PAR HASARD. »

Maeva, 37 ans

« C’est seulement depuis que nous en sommes sortis que je peux utiliser le mot “crise”. Il y a peu, je me suis surprise à dire à mon compagnon : “Toute ta vie, tu pourras compter sur moi.” Je l’ai vu submergé par l’émotion. Pourtant, lorsqu’on s’est rencontrés, il y a huit ans, on ne s’est pas dit qu’on vivrait ensemble.

Etienne m’a tout de suite déstabilisée. Il était le premier qui ne me traitait pas en princesse, et, bizarrement, je me suis accrochée à la difficulté de ne pas me sentir évidemment séduisante. Il cumulait les succès professionnels et féminins. Je l’aimais mais c’était dur.

Il m’aimait, croit-il se souvenir, mais était incapable de me le dire et encore moins de me le montrer. Un jour, simplement, il m’a demandé si ce n’était pas plus “intéressant” que je quitte mon studio pour habiter chez lui. Comme s’il s’agissait d’une logique économique dénuée d’affect.

On organisait des dîners ensemble, on couchait ensemble, on faisait la vaisselle ensemble, on discutait de politique ensemble : il était difficile de prétendre que nous n’étions pas un couple. Je ne prenais pas la pilule, il le savait.

Neuf mois après notre rencontre, je suis tombée enceinte. C’était l’horreur : soudain, c’était comme si j’étais une étrangère. Un cauchemar dont il est difficile de parler aujourd’hui : ou Etienne ne l’a pas vécu, ou il le nie. En tout cas, je suis la seule à m’en souvenir. C’est très récemment que l’on a accepté d’être le genre de couple à ne pouvoir avoir un enfant que grâce à un heureux accident. Si l’on réfléchissait, c’était fichu. Quand notre bébé avait 1 mois, Etienne me disait des choses terribles : “Arrête de l’embrasser, tu vas l’habituer.”

Plus notre enfant grandissait, plus Etienne l’aimait, et plus il l’aimait, plus on était bien ensemble. Notre amour est né du quotidien, contrairement à l’adage qui dit que c’est un tue-l’amour. L’année dernière, je suis tombée enceinte à nouveau. Cette fois, Etienne a été très attentif. Il est complètement fou du bébé. Je me dis que notre deuxième enfant a la chance d’être venu dans une famille déjà constituée. On a mis du temps à intégrer ce que nos inconscients avaient compris dès le départ. Ce n’est pas par hasard que l’on s’est choisis.

Non seulement on a les mêmes goûts mais aussi un secret de famille. Tout au début, j’avais dit à Etienne que je ne connaissais pas mon père biologique. Je ne savais pas que les amours de sa mère lui en avaient donné deux. Ensemble, on avait donc le compte. »