Qui se ressemble se désassemble ?
Un soir, on entendait deux jeunes discuter dans le train : « Tu crois que ce sera quand la fin du monde ? » demanda l’un. « Quand les femmes parleront comme des bonhommes et que les hommes se maquilleront ! » répondit l’autre. On s’interroge. Non pas sur la fin du monde mais peut-être sur la fin d’un monde : celui des relations amoureuses.
L’indifférenciation sexuelle ne casse-t-elle pas les codes de l’attrait amoureux ? Les difficultés amoureuses actuelles – trouver et garder l’amour – ne sont-elles pas dues aux ressemblances hommes femmes qui s’imposent ? Hommes moins virils, femmes plus indépendantes, vers une androgynie qui tue le désir de l’autre ?
Ce que veulent les femmes
Nous attendons tout et son contraire en amour. C’est-à-dire ? Nous voudrions que les hommes fassent la vaisselle, s’occupent des enfants, qu’ils nous crient des je t’aime en bas de nos fenêtres. Mais attention : qu’ils soient à côté de ça de vraies « bêtes viriles », qu’ils tranchent, prennent des décisions et nous protègent. Parce qu’un trop plein de sensibilité, gentillesse ou disponibilité, ça nous ennuie. Alors voilà, on les voudrait virils. Mais gentils. Mais virils. De tendres rockers, en somme.
Un mec qui change une ampoule en a plus sous le capot qu’un mec qui sait réciter des alexandrins. Il faudrait pour nous plaire qu’ils aident à la maison mais qu’ils continuent de nous faire l’amour sur la table de la cuisine après avoir passé l’éponge.
« Si les femmes sont plus fortes aujourd’hui, elles attendent tout de même des mecs costauds, solides, ne serait-ce que sur la force physique : un certain nombre d’invariants historiques et culturels demeurent » commente Sandra Herbreteau, docteur en sociologie.
« Notre paradoxe » est souligné par Kauffman dans son livre sex@mour (2010) : il évoque le désir d’égalité qu’expriment les femmes, capables cependant de faire une drôle de tête au restaurant si l’homme ne se propose pas de payer la note. L’homme doit être sensible mais savoir se montrer « traditionnel ».
Nous espérons un prince sur cheval blanc, mais pourquoi pas le repeindre si ça nous chante et surtout, le conduire. « Les hommes se demandent en quoi ils sont désormais utiles, à quoi ils peuvent servir, si j’avais à exagérer » nous dit Sandra Herbreteau.
Les hommes ne savent plus comment s’y prendre avec nous
En effet, quand on va frapper en face, on découvre que les hommes ne savent plus comment s’y prendre. Comme l’écrit Olivier Norek, auteur de Code 93 : « Une femme a besoin d’un homme et de son contraire. D’un gentleman avec un fond de salaud, de bouquets de roses avec un plaquage animal contre le mur, de caresses en mots d’amour et de claques sur les fesses. Un juste milieu à atteindre. Le Ying et Yang de l’homme parfait. »
Preuve ici que les hommes sont désemparés face aux « nouvelles femmes » que nous sommes et tentent de répondre à nos attentes sans vraiment les cerner. Ils essaient de se montrer virils mais tout aussi sensibles. Ils ont plus de mal que nous à définir comment se positionner pour plaire. « La gent masculine est perdue. Les femmes ne fonctionnent plus comme on croyait qu’elles fonctionnent, comme on a pu l’apprendre à travers la littérature par exemple » nous dit Camille Saféris. On ne sait plus quel rôle jouer. Viril, fragile ? Aujourd’hui, les femmes pensent que les hommes peu offensifs en matière de séduction ne sont pas intéressés par elles. C’est juste qu’on ne veut pas être trop lourd, trop dragueur, on ne sait plus comment faire. Qui saurait face à des nanas qui veulent tout et leur contraire ? On essaie d’offrir les deux, c’est casse-gueule.»
On le voit bien sur les sites de rencontres : les hommes inscrivent dans leur profil qu’ils sont hommes, virils, forts, mais très tendres. Un doux mélange pour piquer au bon endroit.
Ils ne savent plus si nous venons de Vénus. Nous ne savons plus vraiment s’ils viennent de Mars. « Il est clair qu’aujourd’hui, il y a un véritable brouillage des repères. L’établissement du « contrat » entre les partenaires est bien plus compliqué » constate Sandra Herbreteau.