Les femmes marocaines brisent tous les clichés en se mettant à la fantasia, une discipline équestre traditionnelle berbère. Et elles battent les hommes à leur propre jeu.
La tradition justifie souvent la perpétration de stéréotypes que l’on devrait avoir dépassé depuis longtemps. C’est de cette façon que des femmes se retrouvent exclues de nombreux événements ou pratiques sportives. La fantasia, une tradition berbère qui regroupe tradition militaire, acrobaties à cheval et fusils chargés, ne fait pas exception à la règle. Mais depuis peu, la tendance semble s’inverser : les femmes mettent le pied à l’étrier, et n’ont pas l’air décidées à redescendre sur terre.
Une parade militaire traditionnellement réservée aux hommes
Une scène traditionnelle de fantasia, un univers martial traditionnellement masculin
La fantasia est une tradition berbère qui remonte à des siècles. C’est un spectacle équestre simulant une charge militaire : les cavaliers galopent côte à côte en ligne, et exécutent des figures avant de tirer en l’air, avec des fusils à poudre noire. Plus qu’une parade militaire, c’est un véritable spectacle où l’on vient pour admirer les cheveux barbes parés d’harnachements massifs tout en dorures, et les tenues traditionnelles des 11 cavaliers qui enchaînent les figures de haute voltige. Le mot « fantasia » vient d’ailleurs du latin et signifie « divertissement, fantaisie »; dans la langue marocaine, il a même pris le sens d' »ostentation », « panache », et sert même à qualifier une personne audacieuse…ou un peu trop exhibitionniste !
La tradition martiale et le maniement des armes et des chevaux, atours masculins par excellence, avaient exclu les femmes de la fantasia. Mais bien décidées à se défaire des carcans qui les emprisonnent, des passionnées par cette discipline sont parvenues à s’imposer dans l’univers saturé de testostérone de la fantasia.
Ces femmes qui osent se mettre à la fantasia
« Les femmes marocaines contre la tradition » : une vidéo de BBC News
De plus en plus de femmes se mettent à pratiquer la fantasia, bousculant tous les us de ce divertissement extrêmement codifié puisqu’il reprend des traditions vieilles de plusieurs siècles. « De nos jours, les femmes pratiquent souvent la fantasia, cela les a poussées à s’organiser en formant leurs propres groupes », a expliqué Hanane Boulhimz au site Aujourd’hui Le Maroc … Celle qu’on surnomme « la cavalière de l’Atlas » fut la première à ouvrir un groupe accueillant les femmes et les formant à cette discipline équestre. Il n’existe encore que 6 groupes de ce genre au Maroc (Mohammedia, Kénitra, Khémisset, Meknès, El Jadida et Benslimane), mais c’est déjà une belle avancée : à pas de loups, les femmes s’emparent de la fantasia et parviennent à faire évoluer des ancrages culturels difficilement ébranlables. « Quand j’étais enfant, je voyais mes arrière-grands-parents pratiquer la fantasia. Cela m’a permis de monter à cheval depuis un bas âge. Et parfois, je participais à des manifestations aux côtés des hommes. J’étais la première femme à pratiquer la fantasia, et j’ai fini par décider de créer un groupe de femmes en 2005 », a-t-elle précisé. Interrogée sur ce qu’elle ressent lorsqu’elle fait la tbourida (la représentation classique de la fantasia, conclue par les tirs), Hanane Boulhimz a déclaré : « En tant que femme, je me sens fière quand je monte à cheval. Vraiment, c’est un sentiment indéfinissable ».