On compterait environ 13 millions de célibataires en France selon l’Insee. Certains par choix, d’autre pas. S’il est désormais admis que l’on peut-être seul(e) et épanoui, les pressions sociale et familiale restent fortes. Comment supporter ces injonctions souvent intrusives?

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« Et toi, toujours personne dans ta vie? » Tout célibataire finit un jour par avoir droit à « la » question. « Elle émane de nos parents, mus par une inquiète sollicitude, d’une bonne copine au sourire complice, de notre petite soeur qui va bientôt se marier et s’avoue embarrassée de nous griller la priorité, de quelqu’un pris dans la foule des gens qui eux vivent accompagnés », écrit la psychanalyste Sophie Cadalen, dansTout pour plaire… et toujours célibataire, publié chez Albin Michel. « Toujours personne dans ta vie? » Cinq petit mots qui viennent rappeler, s’il était nécessaire, que l’on n’entre pas dans les cases, dans le sacro-saint modèle du couple, certes moins incontournable qu’il y a cinquante ans mais encore alpha et omega du bonheur pour beaucoup.

La pression sociale est-elle encore un poids pour ceux qui, par choix ou non, vivent seuls? Comment faire en sorte que les injonctions extérieures ne viennent pas enfoncer le clou alors qu’on ressent soi-même de l’angoisse à l’idée de ne pas trouver l’âme soeur? Comment expliquer à son entourage que tout irait très bien, merci, si ce n’était le regard des autres? Témoignages.

Le couple, un modèle qui prévaut encore

« Le couple reste le modèle standard, relève Sophie Cadalen dans son ouvrage. Le célibat est toléré quand il est transitoire mais quand il constitue un choix ou qu’il s’installe, cela devient suspect. On soupçonne un problème chez l’autre. » « Parfois les mots n’ont même pas besoin d’être dits, ils planent, latents, comme un point d’interrogation en suspens qu’il nous conviendrait d’effacer », ajoute-t-elle. Tout porte ainsi hélas à croire qu’un célibataire peut bien afficher « un job passionnant, un carnet d’adresses rempli d’amis fidèles, une vie prodigue en plaisirs de toute nature, il lui manque aux yeux du monde un élément essentiel, une femme ou un homme avec qui partager le quotidien. »

« Je vis plutôt bien le fait de vivre seule, témoigne ainsi Elise, 28 ans. Mais dans la vie de tous les jours, le regard des autres est parfois ultra pesant. Actuellement, je visite des appartements et bien qu’ayant un salaire très confortable, les agents immobiliers me regardent avec suspicion quand j’explique que non, je n’ai pas de compagnon et que non, ce n’est pas une colocation. Idem pour partir en vacances, c’est bien plus compliqué d’acheter un voyage seule plutôt qu’à deux. Comme si la société n’avait pas du tout intégré la possibilité qu’on puisse s’assumer. »

La pression vient souvent des proches

« On me gave sans arrêt avec le célibat, enfin le mien surtout. Les parents du bout des lèvres, les amis de manière plus insistante et les collègues de boulot sont carrément indiscrets! », déplore pour sa part Marine, 39 ans, célibataire depuis quatre ans. Maman solo et célibataire depuis trois ans, Vanina confirme qu’on lui rappelle sans cesse sa « condition ». « Tous les jours ou presque on me demande quand je vais me mettre à chercher. Mes filles aussi mais pour d’autres raisons. J’ai même eu droit aux inscriptions sur des sites Internet sur lesquels je n’irai jamais. »

Des questions souvent maladroites mais bienveillantes

Des comportements intrusifs qu’il ne faut pas forcément prendre demanière négative, conseille la psychologue Cécile Neuville. « Souvent, même maladroites, ces questions relèvent de labienveillance, de l’envie de montrer son intérêt, d’aider le ou la célibataire, parce que oui, pour beaucoup, le couple est la clé du bonheur, quand bien même ces personnes en couple d’ailleurs ne sont pas particulièrement heureuses. »

« Il y a aussi un certain égoïsme qui peut expliquer cette insistance, le sentiment que les choses seraient probablement plus faciles avec ce ou cette proche s’il était « comme nous ». Un peu comme lorsqu’on vient d’avoir un enfant et qu’aucune de nos amies n’est encore maman. Pas facile alors d’échanger sur ce que l’on vit! »

Autre explication à cette « obsession » extérieure à caser les célibataires, « un besoin de se rassurer quant à ses propres choix », ou de conjurer ses peurs. Virginie, quadra solo maman de deux enfants, l’exprime très bien: « Alors même que je suis très à l’aise avec mon célibat, on me rabâche que quand mes fils partiront, je serai seule. Ou comment projeter ses propres angoisses! »