Un conjoint en recherche d’insatisfaction

Un jeu de pouvoir, et parfois même des rapports teintés de sadomasochisme, peuvent se mettre en place lorsque l’un des deux utilise son charme pour faire souffrir l’autre, l’affaiblir, le fragiliser. Au bout de plusieurs années, Éva, 37 ans s’est aperçue que son compagnon l’avait totalement vampirisée et dépossédée de son existence : « La phase du début était gaie et valorisante, se souvient-elle.

Mon mari restait séducteur avec moi et, pendant longtemps, nous avons vécu une vraie passion. Mais un jour, je me suis rendu compte que j’étais seule et isolée, que je n’avais plus d’amis, que je l’avais laissé me mettre entièrement sous sa coupe. Il m’avait éloignée de tout mon entourage en exigeant que mon existence entière tourne autour de sa petite personne, sans qu’évidemment il y ait réciprocité. Il avait gagné, m’avait à sa disposition et donc me négligeait pour briller auprès d’autres. Il n’était pas avec moi. »

Ce qui n’exclut pas que le séducteur change quand il tient profondément à celle ou celui qui partage sa vie. Colette, 32 ans, a, elle, renoncé à papillonner pour sauver son couple et préserver son compagnon : « J’étais très séductrice. Étienne le supportait de moins en moins. Il devenait agressif, désagréable, froid avec moi, alors que ce qui m’avait plu en lui, c’était précisément ses attentions, sa douceur, le désir qu’il manifestait de passer des soirées en tête à tête avec moi. Au début de notre histoire, il incarnait vraiment ce que j’espérais d’un homme, une présence aimante et rassurante. Il était l’exact opposé de mon père, un homme tendre mais fuyant, toujours occupé à l’extérieur et que j’ai attendu pendant toute mon enfance.

J’avais l’impression de basculer petit à petit dans l’enfer conjugal, mais un jour, une amie à qui je me plaignais m’a dit : “Tu ne vois pas qu’Étienne ne supporte pas tes oeillades à droite, à gauche ? C’est humiliant et rude pour lui.” C’était comme si un piano m’était tombé sur la tête. J’ai eu mal pour lui et je me suis demandé ce que j’éprouverais si je le voyais faire la même chose. J’ai stoppé mes petits numéros du jour au lendemain pour retrouver à la maison ce que je passais mon temps à chercher à l’extérieur. »

Jean-Pierre Winter, lui, est convaincu que « pour vivre avec un séducteur, il faut accepter non seulement d’être insatisfait, mais comprendre aussi que l’on recherche inconsciemment l’insatisfaction ». Ainsi, si un séducteur cherche souvent à combler une faille narcissique, celui ou celle qui vit avec lui cultive plutôt le manque et l’opacité de l’autre, observe Gisèle Harrus-Révidi : « Il s’agit de préserver ainsi le mystère de celui que j’aime, sans aller toutefois jusqu‘à le laisser mener une double vie ! »