Personne n’en parle. Ni celles qui en souffrent. Ni les médecins. Pourtant cette maladie touche plus d’une femme sur dix. La docteure Chrysoula Zacharopoulou, la chanteuse Imany et l’actrice et productrice Julie Gayet se sont unies pour la sortir du silence.

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Elles sont trois femmes de caractère dont les chemins n’auraient pas dû se croiser. Une chirurgienne gynécologue au tempérament de feu – d’origine grecque, formée en Italie, installée à Paris. Une chanteuse d’afro-soul sublime, disque de platine en France, numéro 4 des ventes d’artistes français à l’étranger en 2015. Une comédienne, réalisatrice, productrice, engagée en faveur des droits des femmes. Chrysoula Zacharopoulou, Imany et Julie Gayet ont uni leurs énergies complémentaires pour lancer le 8 mars, date de la Journée internationale de la femme, une grande campagne sur l’endométriose. « L’endo… quoi ?, mime Imany, l’air effaré. Lorsqu’on prononce ce nom, les gens écarquillent les yeux. » C’est justement ce qu’elles comptent changer.

Depuis des mois, à l’initiative de la Dre Zacharopoulou, le trio travaille à faire connaître cette maladie gynécologique incurable qui atteint 10 à 20 % des femmes et constitue la première cause d’infertilité. « Parce qu’elle touche aux règles, à la sexualité, cette maladie reste taboue », déplore la chanteuse, qui en souffre et l’a révélé en 2014. « Même les femmes n’en parlent pas entre elles. » Ensemble, le trio veut rompre ce silence. Casser les stéréotypes sur la douleur que devraient encaisser les femmes, juste parce qu’elles sont femmes. « Ce n’est pas qu’une question médicale, mais de dignité », souligne la gynécologue. Leur message est simple et pourtant révolutionnaire : avoir mal pendant les règles, ce n’est pas normal. Cela peut être le premier symptôme de l’endométriose.

«ON NOUS DIT : SERRE LES DENTS ET TAIS-TOI»

« Lorsque la douleur des règles empêche d’aller à l’école, empêche de travailler, lorsque les rapports sexuels sont douloureux, ce n’est pas normal, reprend Imany. Mais on nous dit : serre les dents et tais-toi. » D’où l’affiche forte, imaginée avec Havas Paris : une femme qui serre les mâchoires, un bâton entre les dents. Imany lancera la campagne, lors d’un concert le 8 mars au Trianon, à Paris (1), entourée de Pauline Croze, Kery James, Émilie Gassin, Carla Bruni, Camille Chamoux… « Nous espérons que d’autres comédiennes, musiciennes, mais aussi sportives, politiques et chefs d’entreprise joindront leurs voix aux nôtres pour sortir cette maladie de l’indifférence », ajoute Julie Gayet.

Pour quelle raison, lorsqu’une femme souffre pendant ses règles, on lui renvoie que c’est psychologique ? Pourquoi n’est-elle pas prise au sérieux jusqu’à ce qu’elle se retrouve aux urgences avec un kyste ou qu’elle ne puisse plus avoir d’enfants ? Pourquoi se passe-t-il en moyenne sept ans entre la première fois qu’elle consulte et le diagnostic ? « Posons-nous la question, et prenons mieux en charge la maladie, déclare la gynécologue chirurgienne. J’étais en Italie quand le Parlement transalpin a adopté une résolution européenne, en 2004, reconnaissant la dimension socio-économique de la maladie (handicap au quotidien, absentéisme au travail…). La France est très en retard. » Chrysoula Zacharopoulou a frappé à toutes les portes pour faire cette campagne. « Au ministère des Droits des femmes, le vigile m’a tellement vu passer qu’il a fini par m’appeler “docteure”, raconte-t-elle, en riant. Je suis une Méditerranéenne. Je suis tenace ! » En mars 2014, elle organise à Paris, avec l’association Lilli H., la première Endomarch. À l’automne suivant, elle décroche un rendez-vous avec François-Henri Pinault. Sa persévérance paie. Le P-DG de Kering s’engage à la soutenir. « L’une des plus belles rencontres de ma vie », confie-t-elle. Entre-temps, la docteure a reçu Imany. « J’avais besoin de faire le point sur la maladie, raconte la chanteuse. Et comme j’étais déjà ambassadrice d’ ENDOmind, nous avons uni nos forces. »

Imany a commencé à libérer la parole des femmes. Première personnalité française à faire son coming out, elle a reçu des milliers de témoignages d’autres malades. « Au départ, j’étais réticente à parler de moi, car c’est très intime. Mais quand une maladie n’existe pas socialement, les médecins ne sont pas formés, les chercheurs ne sont pas financés, les laboratoires ne cherchent pas de traitement. » À la deuxième Endomarch (2), l’an dernier, elle a rencontré des femmes handicapées, en chaise roulante, dont la vie était brisée. « Beaucoup plus atteintes que moi, et pourtant on continue d’ignorer la maladie. » Lorsque Chrysoula Zacharopoulou a contacté Julie Gayet, en novembre 2014, c’est la réalisatrice engagée en faveur des femmes qu’elle souhaitait rencontrer. « Chris, avec l’énergie qu’on lui connaît, a pris son souffle et m’a tout dit de cette maladie. J’étais stupéfaite d’en ignorer jusqu’à l’existence. Je m’intéresse pourtant de près à la question de la santé des femmes », raconte Julie Gayet, marraine du Fonds pour la santé des femmes. « Si nous avons choisi le 8 mars pour lancer la campagne, ce n’est pas un hasard. La reconnaissance de la souffrance des femmes relève d’abord d’une question de droits des femmes et d’égalité. » Osons sortir l’endométriose du silence.