DRE CHRYSOULA ZACHAROPOULOU, UNE MÉDECIN À L’ÉCOUTE DES FEMMES

Violentes douleurs, stérilité… L’endométriose, c’est sérieux. Mais rares sont les médecins qui savent la diagnostiquer. Nous avons pu assister, à Paris, aux consultations de la Dre Zacharopoulou.

« Dr Chrysoula Zacharopoulou ». Son nom est affiché sur une porte, dans le service des consultations gynécologiques de l’hôpital Trousseau de l’AP-HP. Pas facile à retenir, mais synonyme d’espoir pour ses patientes. « Quand elle parle de vous, ma sœur a des étoiles dans les yeux », lui confie Noura, 23 ans. Comme deux de ses grandes sœurs, elle souffre, depuis ses 16 ans, de douleurs au ventre pendant les règles. « On m’a mise sous pilule pour que j’aie moins mal », raconte-t-elle. Mais, depuis qu’elle s’est mariée et a arrêté la contraception, elle souffre. Pendant les rapports sexuels, « c’est horrible ». Lorsqu’elle va aux toilettes aussi. Ses IRM en main, elle attend le verdict : « J’ai peur, j’ai tellement vu ma grande sœur en baver. » « Elle a été opérée, elle a eu un bébé et elle attend le deuxième, lui rappelle la Dre Zacharopoulou. Il ne faut retenir que le positif. » Feutres en main, elle dessine l’utérus, les ovaires, l’intestin, la vessie… Elle explique à Noura : « L’endomètre qui tapisse l’intérieur de l’utérus s’épaissit sous l’effet des hormones, puis se désagrège s’il n’y a pas de nidation. Le sang s’évacue vers l’extérieur (les règles), mais une petite quantité part vers le haut, sort de la cavité utérine par les trompes et retombe comme des gouttes de pluie. Notre système immunitaire nettoie. Sauf chez une femme sur dix. Pour des raisons que l’on ne comprend pas encore très bien. Chaque mois, d’autres gouttes de sang s’ajoutent et forment un tissu en dehors de l’utérus qui, comme l’endomètre, saigne tous les mois. Avec le temps, cela constitue des lésions, sous la forme d’un kyste, d’un nodule ou d’un tissu cicatriciel. Les organes peuvent alors se coller entre eux, ce qui provoque un état inflammatoire permanent. » Elle pointe sur l’IRM : « vous voyez, là, c’est collé. »

Pour calmer les douleurs, la Dre Zacharopoulou prescrit à Noura des antalgiques et une pilule progestative qui met les ovaires au repos. « Les lésions ne vont pas disparaître, mais cela peut ralentir leur progression. On ne dispose pas d’autre traitement, si ce n’est celui qui met en ménopause artificielle, au prix d’importants effets secondaires. On n’en est pas là, explique-t-elle. Pour la fertilité, nous en rediscuterons quand vous voudrez un enfant. Ce n’est pas parce que vous êtes atteinte d’endométriose sévère que les ovaires ne fonctionnent pas et que vous ne pouvez pas avoir un bébé. » Noura repart avec un demi-sourire : « J’avais tellement mal que cela ne pouvait pas être normal. J’ai fini deux fois aux urgences, or je ne suis pas une douillette. » « Cette dernière phrase est typique, relève la gynécologue. Ces patientes se sentent obligées de s’excuser d’avoir mal. »

Les urgences, Fafa Ruffino, 38 ans, qui attend avec son mari, Jildaz, dans le couloir, s’y est réfugiée plus d’une fois. On lui répondait : « Ça va passer, rentrez chez vous. » « Je rampais pourtant à quatre pattes, je hurlais, une vraie torture », raconte la chanteuse d’origine béninoise. « Une fois, on l’a opérée de l’appendicite, poursuit Jildaz. Avec le recul, j’ai des doutes sur la nécessité de cette intervention. » En 2011, aux urgences de l’hôpital Bichat, elle a la chance de tomber sur une gynécologue qui lui fait faire des examens poussés. « J’ai entendu le mot endométriose pour la première fois, alors que j’étais suivie par une gynécologue. Ce médecin m’a alertée : “Si vous voulez un bébé, il faut vous dépêcher avant que la maladie ne vous rende stérile.” » 30 à 40 % des malades n’arrivent pas à avoir d’enfant. En septembre 2013, le couple tente une Fiv, sans succès. Rebelote en février 2014, mais la stimulation ovarienne tourne mal. Fafa est hospitalisée, on doit lui « couper » une trompe. « J’ai  u très peur qu’elle ne meure », se souvient son mari, ému. « J’aimerais avoir un enfant, mais pas au prix d’y laisser ma vie, confie la chanteuse. Il y a 10 000 autres façons d’être mère. » La douleur, depuis, est revenue. « L’an dernier, j’ai réalisé qu’on ne prend pas cette maladie à bras-le-corps parce que c’est une “histoire de femmes” et cela me met dans une colère folle, glisse Jildaz. Chez Fafa, au Bénin, c’est tabou de parler des règles. Mais en France, en 2016 ? »

La Dre Zacharopoulou propose de présenter leur dossier à la commission multidisciplinaire Tenon/Trousseau qui réunit gynécologues, radiologues, chirurgiens digestifs, urologues et spécialistes de l’assistance médicale à la procréation pour étudier la meilleure prise en charge. Faut-il se dépêcher de faire une Fiv avec un autre protocole ? Opérer avant pour retirer toutes les lésions ? Ou envisager un don d’ovocytes ? « L’endométriose est une maladie de couple, insiste-t-elle. Je demande au conjoint d’être présent pour qu’il comprenne pourquoi sa femme souffre lors des rapports, est fatiguée, a du mal à avoir un enfant. » L’endométriose provoque tant de séparations.

Comme Jildaz, Damien assiste à la consultation avec sa compagne. Marion, 31 ans, atteinte de la maladie de Crohn (une inflammation chronique des intestins), avait régulièrement mal au ventre. « Mais comme je n’avais que des symptômes digestifs, personne n’a pensé à l’endométriose. » C’est elle qui a fait le lien en discutant avec une amie atteinte. Une IRM a confirmé que le tissu utérin avait envahi toute la partie basse de l’appareil digestif. « Nous avons longuement discuté avec la Dre Zacharopoulou sur notre priorité : avoir un bébé ou améliorer ma qualité de vie. Je souffre tellement que nous avons décidé de faire d’abord l’opération. » Ils ont le sentiment d’être enfin entre de bonnes mains. « Si on n’était pas venus vous voir, glisse Damien à la gynécologue, on aurait galéré encore un bon moment. »