Je me laisse entraîner par les couleurs
Je prends un instant pour m’étirer, faire un point avec la thérapeute. Oui, le processus s’est bien déroulé. Les images se sont imposées, vives, parlantes. Claire ne me demande pas de raconter ce que j’ai vu, qui m’a emplie de joie. Elle me montre la table à dessin, où elle a préparé des feuilles de différentes tailles, des crayons de couleur, de la gouache, de l’acrylique, des pinceaux.
Et m’incite à choisir trois crayons au hasard, en fermant les yeux. « Je ne prétends pas que c’est votre inconscient qui choisit les couleurs. Le principe de ce choix arbitraire est surtout de signifier à votre conscient qu’il n’a pas son mot à dire. Et de vous laisser surprendre. » La consigne est la suivante : « Essayez de vous laisser aller à dessiner, sans avoir envie de bien faire. Laissez venir les formes, les mouvements, sans maîtriser votre geste. »
J’ai du mal. J’ai à l’esprit des visions que je cherche à reproduire. La courbe du bras de mon amoureux qui encercle ma tête. Le soleil qui inonde le canapé où nous sommes étendus. Je choisis de laisser faire ce qui vient. Un tracé ample pour son bras. L’ovale de mon visage. Les rayons du soleil.
Pour le second temps de mon dessin, la thérapeute m’invite à utiliser de la peinture, que je peux choisir librement cette fois. Je m’empare de tubes de gouache, dépose quelques noix de couleur sur une petite assiette. Quelque chose se déclenche alors. Mon geste, emporté par le glissant de la texture, l’énergie des couleurs, devient plus instinctif. À gauche de l’image, les rayons du soleil, d’abord jaunes, s’enrichissent d’un rouge feu. Au centre, le contour du bras est renforcé d’un trait noir, solide, affirmé.
À droite apparaît un élément nouveau : ma chevelure qui se répand en vagues vertes, quasi océaniques. J’oublie le temps, absorbée par ma peinture, toute à l’expression de quelque chose qui semble vouloir se dire, me libère et m’apaise.