Je découvre un symbole embusqué
« Alors ? m’interroge Claire. Par rapport aux questions que vous vous posiez, que voyez-vous dans ce dessin ? » Il me semble, lui dis-je, qu’il parle bien de la relation que nous vivons. La thérapeute souligne que l’équilibre des éléments sur la feuille – le feu à gauche synonyme de puissance, le vert à droite qui lui évoque la fécondité du végétal, le couple tendrement enlacé au centre – suggère une relation très complète.
Je commente : « Moi qui craignais un peu le fait de nous installer ensemble, je suis soulagée que, dans ma vision, la maison ne soit pas apparue comme un lieu de domestication, mais comme celui du désir. » En retournant la feuille pour que je puisse regarder mon dessin à l’envers, Claire m’offre l’occasion d’en apprendre un peu plus sur mes craintes. Ainsi retourné, le bras, arqué, terminé au-delà du poignet par la forme bicaudale du pouce d’un côté, des doigts de l’autre, m’apparaît soudain comme une queue de sirène jaillissant de l’eau verte.
À l’endroit, je n’avais rien vu. À l’envers, je ne vois plus que ça. J’associe : « Le conte d’Andersen m’a toujours terrifiée. Pour moi, il signifiait qu’une femme ne pouvait accéder à l’amour qu’au prix d’une mutilation de sa nature profonde. »
Pour enrichir cette interprétation, nous consultons le Dictionnaire de la symbolique des rêves de Georges Romey, le meilleur selon Claire, « le fruit d’une vie de travail ». Elle lit : « Il semble que chaque rencontre avec la sirène mène à la réhabilitation d’un contenu inconscient. Elle appelle à se détacher d’une préoccupation illusoire pour se tourner vers une réalité cachée dans les profondeurs. Elle est une voie vers l’accomplissement de son être total. » Mais aussi : « […] ne pas négliger le côté de ce qui se finit en queue de poisson, du fait de l’annulation des pieds, de l’entrave. » Voilà qui me donne matière à penser.
Surprise par le surgissement de la chevelure avec la peinture, je demande ce qu’en dit le dictionnaire. Il est question de « puissance vitale », d’un élément « qui concentre les propriétés de l’être », d’un « signe de liberté ». Contrebalançant la peur d’être amputée de ma nature profonde, la présence forte de ce symbole sur la feuille me rassure. Je l’interprète comme la possibilité, dans cette relation, d’être tout à fait moi-même. Je quitte Claire heureuse et surprise par l’expérience, frappée d’avoir pu, avec un dispositif aussi simple, travailler des questions si sensibles pour moi.