Une broutille, un reproche, et le ton monte… Tous les couples connaissent ces petits agacements quotidiens. Peuvent-ils mettre la relation en danger ? « Non, assure le sociologue Jean-Claude Kaufmann. A condition de savoir les gérer, ils sont même un signe de bonne santé. » Entretien.

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Dans le couple, il y a des moments où l’on assassinerait volontiers son partenaire…pour des broutilles qui nous rendent chèvre. Il ne ferme jamais la porte du placard de la chambre ; elle égare toujours les papiers dont on a besoin ; il achète systématiquement la lessive en baril alors qu’on la veut en paquet ; elle jette les journaux avant même qu’ils n’aient été lus… La liste est interminable et surréaliste.

Comment de si petites causes (en apparence) peuvent-elles produire de tels cris, ou des silences si tendus qu’ils pèsent une tonne ? Que l’on se rassure : c’est normal ! Ces petits grains de sable sont même constitutifs du couple et signent sa bonne santé. A condition, tout de même, de savoir un peu les gérer. Le sociologue de l’intime Jean-Claude Kaufmann a enquêté sur ces rages miniatures. Elles en disent long sur l’art et la difficulté de vivre à deux.

A vous lire, dès que deux partenaires se mettent à vivre en couple, les agacements mutuels apparaissent.

Jean-Claude Kaufmann : Même la lune de miel n’y échappe pas ! Mais au début, les agacements sont plus faiblement ressentis parce qu’ils sont niés et que chacun travaille à les refouler. Dans l’entrée en couple, il faut aller vers l’autre, vers son univers, et vers celui que l’on va construire en commun.

Si l’on se crispe, c’est impossible. Il faut accepter de se mettre en mouvement. Les deux partenaires se testent et évaluent ce à quoi ils peuvent renoncer et ce qu’ils peuvent accepter chez l’autre. Les agacements mutuels sont tout simplement l’indice que le processus d’unification s’est mis en branle. Plus la relation est intime et confine au fusionnel, plus les risques d’irritation se manifestent. Jusqu’à ce que les repères communs se mettent en place. Les émotions négatives n’éclatent plus alors qu’à l’occasion de dysfonctionnements persistants.