Sommes-nous donc voués à ne plus nous supporter ?

A partir du moment où le mouvement de la construction conjugale se ralentit ou s’arrête, les agacements font davantage de ravages. D’autant qu’avec le temps, certains automatismes sont devenus immuables : c’est Jacques, qui ponctue ses phrases d’un petit rire, ou Sylvie, qui a toujours froid – causes de l’irritation de leur conjoint depuis des années.

Mais plus que la cause de l’agacement ou son intensité, c’est son évolution dans le temps qui importe. Si Paul, Jacques ou Sylvie se fichent complètement d’agacer leur compagnon, ça explose. Et là, le couple est en péril. Un petit effort est indispensable, même s’il n’a pas vraiment de résultat. Or, on met souvent très longtemps à prendre conscience de ce qui agace l’autre.

Lorsque l’on sait très bien ce qui énerve l’autre, n’y a-t-il pas un risque de manipulation ?

L’ordinaire de la vie conjugale est dominé par la quête pacifique d’unification, voire par la complicité. Mais quand ni les éclats, ni les essais de conversation, ni le langage des gestes, ni la fuite silencieuse n’ont effacé l’agacement, une jouissance à manipuler son conjoint peut apparaître.

Yannis par exemple ne supporte pas que sa femme « oublie » d’éteindre la lumière en quittant une pièce ; elle le sait et fait exprès de ne pas l’éteindre « parce que lui ne fait aucun effort pour ranger ses affaires ». C’est œil pour œil, dent pour dent, une façon de communiquer qui ne débouche sur aucun résultat.