La demande
« Avec Irène, j’étais attentif à ce que je disais quand, d’ordinaire, avec les femmes, je suis plutôt du genre insouciant et joueur, explique Georges. Je n’avais pas envie d’étaler ma vie mais, au contraire, de maintenir un jardin secret afin de de la protéger de ce qui aurait pu la blesser. J’éprouve du respect pour elle, et je sais que je l’aime parce que je fais des efforts pour la garder. » Laurence, quant à elle, raconte que « certains jours, je ne sais plus si j’aime Hervé ; je me sens indifférente. Puis, grâce à un geste qu’il fait, aussi banal que de se passer la main dans les cheveux, ou à une réflexion qu’il lance, dans ce langage que moi seule peux comprendre, je suis troublée, émue. Je sais alors que l’amour est là, même s’il devient parfois imperceptible. »
Temps, respect, trouble, les preu-ves varient au gré des individus. « Mais surtout, elles ne prouvent rien, affirme Alain Guy, psychanalyste et professeur à Paris-VIII. Elles sont une tentative pour savoir quelque chose de l’amour, alors que l’amour et le savoir sont deux notions qui s’opposent. L’amour est une magie, quelque chose d’incongru qui surgit dans l’existence et qui est de l’ordre de l’insu, de l’inconscient.
Il n’a donc rien à voir avec la raison. Mais cette irruption bouleverse tellement le sujet que celui-ci essaye de rétablir de la logique, du sens, afin d’être sûr qu’il n’est pas fou. Quand on aime, on passe son temps à interroger l’autre pour déchiffrer la place que l’on occupe en lui. Et cette façon que l’on a de réclamer à l’autre des signes de son amour prouve que l’on aime. » La formule de Cocteau devrait donc être complétée : il n’y a, en réalité, ni amour ni preuves d’amour ; il n’y a que des demandes de preuves d’amour. C’est lorsque nous ne pouvons plus vivre sans réclamer à l’autre des signes de son amour que nous savons, à coup sûr, que nous aimons.